dimanche 30 mars 2014

Châteaux « cathares »

Quéribus

Les offices de tourisme de l'Aude, de l'Ariège et de toute cette région prospèrent autour des magnifiques châteaux qui la parsèment, les fameux « châteaux cathares ». Montségur, Puylaurens, Quéribus, Termes, Puivert, Peyrepertuse, Arcques, sont encore aujourd'hui des sites merveilleux, où le Moyen Âge semble si présent qu'on s'y croirait. C'est pourquoi ils attirent nombre de touristes, qui y trouvent sans doute leur compte.

Parmi ces touristes, une bonne proportion y vient avec l'espoir d'y découvrir les « mystères » des Cathares, ces étranges hérétiques écrasés au XIII° siècle par les armées du Roi de France, lancées par l’Église romaine, puis pourchassés et brûlés par l'Inquisition. De nombreuses légendes courent sur ces cathares et leurs châteaux : ils auraient été détenteurs de secrets gênants pour l’Église, du trésor des templiers, voire même du Saint Graal ayant contenu le sang du Christ. Déjà le III° Reich y avait envoyé avant-guerre Otto Rahn, un archéologue SS qui pensait y découvrir le Graal, « symbole païen » (1). Antonin Gadal (1877-1962), qui avait rencontré Otto Rahn, transmit ses fantasmes à la Rose-Croix d'Or néerlandaise, de Jan van Rickenborgh et Catharose de Petri, qui s'en revendique aujourd'hui encore.

Depuis, des générations d'allumés (je n'ai pas dit : illuminés) se succèdent sur les lieux, célèbrent des « solstices cathares » à Montségur, espèrent survivre à la fin du monde à Bugarach, ou vont soigner leurs rhumatismes aux ondes telluriques cathares. Tout ceci est très bénéfique... pour l'industrie touristique locale. Mais spirituellement parlant, on est loin du compte.

Rappelons quelques vérités :

Les Cathares n'ont jamais construit de châteaux. Des seigneurs cathares ou sympathisants en ont occupé quelques uns, mais ceux-ci ont tous été rasés pendant ou après la Croisade contre les Albigeois (1208-1229), et les ruines qu'on peut visiter à Montségur ou ailleurs sont toutes celles de châteaux postérieurs, construits par les fidèles du roi de France, c'est-à-dire les ennemis des Cathares.

Le Catharisme n'est pas une secte mystérieuse, spécifique au Languedoc, détentrice de fabuleux secrets, ni du Graal, mais un courant chrétien, né vraisemblablement en Anatolie, répandus dans les Balkans puis en Rhénanie, dans les Flandres, puis en Champagne, sur les bords de la Loire et dans le midi de la France et le nord de l'Italie. Son succès en Languedoc est dû à la relative tolérance de l'aristocratie locale – même catholique. Sa doctrine, proche de certains courants gnostiques des premiers siècles, proclame l’Église de Dieu, composée des saints parfaits. Bien qu'elle comportât une hiérarchie, avec évêques et diacres, elle est une expression de l’Église intérieure. Bien que ne rejetant pas le baptême d'eau, elle affirme, Évangile à l'appui, que le vrai baptême du Christ est le baptême d'Esprit, par imposition des mains – le fameux « consolament » – et que l’Église romaine est apostate, ayant trahi le message du Christ, une église d'oppression et de mensonge.

On le voit, nul besoin de traîner ses rangers du côté de Quéribus pour trouver la Lumière, ni d'hiberner à Bugarach pour être sauvé : la Lumière est en chacun, le pèlerinage est intérieur, les ruines sont celles du Temple que nous devons reconstruire, et tout le reste est idolâtrie.


NOTE :
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Rahn « La thèse d'Otto Rahn consistait pour l'essentiel à assimiler le château de Montségur à Montsalvage, le légendaire château du Graal, pour des raisons étymologiques. »  René Nelli, préface de Croisade contre le Graal.
BIBLIOGRAPHIE (sommaire) :
René NELLI : Le phénomène cathare – perspectives philosophiques et morales. Éditions Privat, 1964
Jean DUVERNOY : Le catharisme – tome I : La Religion des Cathares ; tome II : L'Histoire des Cathares. Bibliothèque historique Privat, 1976-1979
Michel ROQUEBERT : Histoire des Cathares, Editions Perrin, 1999-2002
Anne BRENON : Les Cathares, Albin Michel, 2007 et : Le vrai visage du catharisme, La Louve éditions, 2008


mardi 18 mars 2014

Nom de Dieu !


Les hommes, le plus souvent, font Dieu à leur image, et succombent ainsi à l'idolâtrie caractéristique du monde manifesté.

Pour éviter ce piège, la tradition hébraïque interdit de prononcer le tétragramme YHVH, et le remplace par un « nom substitué » (Hachem « le Nom », ou Shaddaï « Tout-Puissant » ou Adonaï « Seigneur », etc.). Seul le Grand-Prêtre du Temple de Salomon à Jérusalem pouvait le prononcer, une fois l'an, à l'abri du voile du Saint des Saints. Lorsque Moïse rencontre Dieu sur le Sinaï et lui demande son nom, Il répond : Ehyeh Acher Ehyeh (Hébreu: אהיה אשר אהיה) qu'on traduit (mal) généralement par « Je suis qui Je suis », « Je suis celui qui est », ou « Je serai qui je serai ».

Dans l’Évangile, Jésus nous dit « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie : nul ne va au Père que par moi » (Jean 14,6) et aussi : « Nul ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler ». Ce n'est que par le Verbe, Christ, qu'on accède au mystère de l'Être dont on ne peut rien dire, ténébreuse lumière. Maître Eckhart pose la différence entre Dieu (Gott), le Dieu trinitaire objet de dévotion, et la Déité (Gottheit), essence divine inaccessible, « fond sans fond ».

« Il est quelque chose au-dessus de l’être créé de l’âme, que ne touche rien de créé, qui est néant, même l’ange qui a un être pur, qui est pur et immense, ne le touche pas, cela n’a rien de commun avec quoi que ce soit. Bien des clercs fameux ont trébuché sur ce point. C’est une chose étrangère, c’est un désert, c’est innomé plutôt que cela n’a un nom, c’est plus ignoré que connu » (Maître Eckhart)

En islam, Dieu ne peut être représenté par une quelconque image tirée du monde créé, et son nom même en arabe (Allah) n'est que l'un des 99 Noms divins qui sont ses attributs : Ar-Rahman « le Miséricordieux », al-Haqq « la Vérité », al-Wahid « l'Unique », etc... En réalité, son vrai nom est un secret, caché derrière ces attributs, et que le parfait croyant doit chercher : « J'étais un trésor caché, j'ai aimé être connu, alors j'ai créé les créatures », dit un hadith qudsi, où l'on reconnaît le ternaire martinésien « pensée, volonté, action ». Là aussi, le visage que Dieu montre aux hommes est son Verbe : c'est le Coran.

Qu'en est-il du bouddhisme, où la notion de Dieu créateur n'existe pas ? En effet, lorsqu'on interrogeait le Bouddha Sakyamuni sur les origines du monde, il gardait le silence, le « Noble Silence ». Ce n'est pas qu'il se désintéressât de la question, mais y répondre risquait fort de conduire à une incompréhension plus grande encore, et à l'instrumentalisation de la réponse. Le bouddhisme mahayâna, plus tard, insistera sur la notion de shunyata « vacuité-plénitude » et, finalement, interdépendance et unité de l'être. La vraie nature des choses est shunyata, et chaque être est en réalité cette vacuité-plénitude, réalisée par le Bouddha sous l'arbre de l’Éveil. Chaque être recèle en lui la « graine d'êtreté » qui est l'essence du monde. Ainsi, si le bouddhisme semble athée, c'est qu'il ne veut pas même évoquer le Divin, de peur qu'immédiatement cette notion soit détournée du but (pécher, c'est manquer la cible). Une interprétation bouddhiste de la shahada islamique pourrait être : « il n'y a que la vacuité-plénitude qui soit ».






Quelques développements dans ces articles Wikipedia :
et aussi :

dimanche 16 mars 2014

Druidisme et néo-druidisme - Filiation historique et filiation spirituelle (2)



Les trois lignées du néo-druidisme

Tous les mouvements néo-druidiques actuels proviennent de l'une des trois branches suivantes (quand ils ne sont pas de génération spontanée) :

Le 22 septembre 1717, à la Taverne du Pommier à Londres, le libre-penseur irlandais John Toland (1670-1722) fonde le Druid Order (Ordre des Druides). Rappelons que, parmi les quatre loges maçonniques ayant fondé la première Grand Lodge de Londres trois mois plus tôt, le 24 juin 1717, l'une d'entre elle se réunissait justement à la Taverne du Pommier. Le successeur de John Toland à la tête du DO fut William Stukeley, pasteur anglican et franc-maçon dès 1721. Cette lignée perdura. Elle fut un temps très proche de la Golden Dawn de Mac Gregor Mathers, qui lui insuffla un esprit ésotérisant. En 1975, elle donna naissance à l'Order of Bards, Ovates and Druids (OBOD), très actif aujourd'hui.

Le 28 novembre 1781, à la King's Arm Tavern de Londres, le charpentier Henry Hurle fonde la deuxième branche du néo-druidisme, sous le nom de Ancient Order of Druids. On ignore de qui il revendique l'héritage, ni même s'il était en lien avec le DO de John Toland. L'AOD prend une forme para-maçonnique et, en 1833, cette branche se transformera en société mutualiste, encore existante aujourd'hui.




En 1770, un ouvrier maçon gallois émigré à Londres, Edward Williams, prend conscience de la valeur des chants traditionnels de son pays natal. Il prend le nom de Iolo Morganwg, et se met à les compiler, sans doute en les arrangeant quelque peu, à la manière des poèmes ossianiques de Macpherson, alors à la mode. Le 21 juin 1792, sur la colline de Primrose Hill à Londres, Morganwg réunit quelques bardes gallois et proclame la première « Gorsedd » (trône, assise, assemblée) druidique. Pour ce faire, il met en place un cercle de pierres, en référence aux grands monuments mégalithiques, notamment à celui de Stonehenge, qu'on croyait alors avoir été conçus par les Celtes, et il improvise un rituel de son invention. En 1819, Morganwg a l'idée de répéter son rituel et son cercle de pierre à l'eisteddfod (concours de poésie galloise) de Carmarthen. Petit à petit, les deux événements coïncident, et la Gorsedd, devenue une institution permanente, prend en quelque sorte le contrôle des concours de poésie bardique gallois. Les écrits de Iolo Morganwg ont été majoritairement publiés après sa mort : les Iolo Manuscripts, le Barddas renferment une grande quantité de poèmes et de « traditions bardiques », que la critique contemporaine a clairement identifiés comme largement inventés par l'auteur. On y trouve notamment une « théologie bardique » reflétant les conceptions chrétiennes personnelles de Iolo Morganwg, et son interprétation des traditions galloises. C'est pourtant cette « théologie » qui a encore cours aujourd'hui dans beaucoup d'organisations néo-druidiques issues de cette lignée galloise – et qui forme la base du livre de Robert Ambelain « Les traditions celtiques ».


samedi 15 mars 2014

Druidisme et néo-druidisme - Filiation historique et filiation spirituelle (1)



Le druidisme ancien

 Les druides étaient, dans l'ancienne société celtique, les détenteurs de l'autorité spirituelle. Dans le cadre de la trifonctionnalité décrite par Georges Dumézil, ils sont les équivalents des brahmanes de l'Inde. A ce titre, ils pratiquent et dirigent le culte, c'est-à-dire le sacrifice. Ils sont les intermédiaires entre les hommes et les dieux, dont ils interprètent la volonté. Ce sont eux, donc, qui disent le droit – à charge pour la deuxième fonction, guerrière, de le faire appliquer. Ainsi les druides sont prêtres, mais aussi juges. Ce sont eux qui constituent l'unité du monde celtique, par-delà les guerres entre peuples et clans. Ils font donc également fonction d'ambassadeurs, à l'image du druide Diviciacus, qui alla à Rome demander de l'aide contre les Séquanes en faveur des Éduens. Cette unité, ils la maintiennent aussi par la transmission de la culture nationale : ils sont conteurs et historiens, capables de réciter de longs poèmes et récits traditionnels, et la généalogie des rois, remontant aux anciens dieux. Mais le druide détient également le savoir en matière de médecine : médecine par les herbes, médecine sanglante, et médecine incantatoire – correspondant, là aussi, aux trois fonctions duméziliennes. Les textes irlandais montrent aussi des druides architectes, à l'instar du dieu-druide Dagda. Évidemment, ce sont eux aussi qui, en Irlande, connaissent l'écriture magique des ogams, inventée par le dieu Ogma. En tant que détenteur de l'autorité spirituelle, le druide est associé au roi, issu de la classe guerrière et qui, lui, détient le pouvoir temporel. A eux deux, ils forment la Souveraineté, clé de voûte de la société celtique et même, disons-le, de la pensée celtique.

On comprend pourquoi, avec la disparition, progressive ou soudaine selon les lieux, de la société traditionnelle celtique, la fonction druidique n'a pas pu se maintenir dans sa plénitude. En Italie du nord puis en Gaule et en Hispanie, l'avancée romaine s'est accompagnée, par la force ou non, d'une mutation des royaumes en cités à l'image de l'Urbs, où le pouvoir est exercé par la collégialité aristocratique calquée sur le Sénat romain. C'est le cas, justement, des Éduens alliés de Rome contre les Arvernes de Vercingétorix, représentant probablement la faction traditionaliste. Rome interdira les druides, sous Claude et Tibère, pour des raisons plus politiques que religieuses. La synthèse gallo-romaine conservera quelques éléments celtiques : les dieux locaux seront assimilés aux divinités romaines, les sanctuaires deviendront des fana (pl. de fanum). Quand arrivera le christianisme, on ne parlera déjà plus de Lug, Taranis ou Belisama, mais de Mercure, Jupiter et Minerve. Dans le petit peuple des campagnes, on continuera à se transmettre de vieux contes et des recettes de médecine, mais aucune classe druidique ne perdurera. Le christianisme, religion d’État, s'imposera à une religion déjà fortement romanisée. Ceci est valable pour la Gaule, mais également pour la (Grande-)Bretagne. Les envahisseurs anglo-saxons, aux IV° et V° siècles, repousseront des Bretons chrétiens – qui se considéraient d'ailleurs comme romains.

Pour toutes ces régions, la romanisation, puis la christianisation et les invasions germaniques, interdisent totalement d'imaginer la survivance, même clandestine, d'une classe druidique organisée, transmettant rites, mythes et savoirs.

En Irlande en revanche, pas de romanisation avant l'arrivée de saint Patrick, vers 450. La classe druidique, déjà sans doute affaiblie et divisée, se convertit rapidement à la nouvelle religion, et en constitue même les cadres, à qui elle transmet son mode de fonctionnement – abbés-évêques proches du pouvoir royal, par exemple. Mais, fait important, Patrick et ses successeurs autorisent une branche de la classe druidique, les filid (pl. de file), à poursuivre ses activités, à savoir la transmission de la tradition « nationale », les mythes d'origine, le droit traditionnel et le patrimoine poétique et historique. Cependant, les filid ne sont plus des druides, et le mot drui en vient même, au moyen-âge, à désigner les sorciers de campagne, incultes et malfaisants. D'autre part, l'écriture latine est utilisée dans les monastères d'Irlande pour fixer la tradition, au prix d'un rattachement quelque peu artificiel à la tradition judéo-chrétienne. Les Gaëls sont désormais, eux aussi, les descendants des bâtisseurs de la Tour de Babel, et de ceux qui ont fui l'oppression pharaonique, tandis que les premiers occupants de l'île ont échappé au Déluge, à l'instar de Noé.


Ainsi, il n'y a eu aucune survivance sociologique du druidisme après la christianisation, que ce soit sur le continent, en Grande-Bretagne ou en Irlande. Toutes les organisations néo-druidiques contemporaines qui revendiqueraient une filiation ininterrompue depuis l'antiquité, mentent ou se mentent à elles-mêmes, y compris lorsqu'elles excipent d'un hypothétique « héritage familial ». Selon les mots de Robert Amadou à propos des « néo-Coens » (article « Martinisme », 1979-1993, Institut Eleazar), « l'absence de preuves est totale et aux prétendants appartient la charge de prouver ».



(à suivre...)

mercredi 5 mars 2014

La Royauté sacrée chez les Celtes - 2. Le Celticum d'Ambigatus et l'omphalos gaulois




II. LE CELTICVM D'AMBIGATVS
ET L'OMPHALOS GAULOIS

La royauté suprême des Bituriges

Françoise Le Roux
in Ogam XIII, n° 73, février-mars 1961

résumé

1. Principes et méthodes : mythe et histoire.

Françoise Le Roux pose d'abord les principes de sa réflexion, et propose de confronter les données continentales et les mythes insulaires, en comparant :
  1. le court passage de César relatif à la grande assemblée druidique chez les Carnutes ;
  2. l'extrait de Tite-Live décrivant la Gaule d'Ambigatus et faisant le récit de la fondation de Milan ;
  3. le texte du Lebor Gabala expliquant la division de l'Irlande en cinq provinces, l'extrait latin de Giraud de Cambrie relatif à l'omphalos d'Uisnech, le texte irlandais de Keating racontant la création légendaire de la province de Mide ;
  4. les textes chrétiens décrivant le culte païen de Mag Slecht ;
  5. deux extraits des Mabinogion gallois.

En effet, dans le domaine celtique, le mythe et l'histoire s'interpénètrent facilement, et ce qui est donné pour historique chez Tite-Live ou Keating correspond souvent à des mythes chez d'autres auteurs. Il conviendrait donc de rechercher "l'unité conceptuelle du mythe et de l'histoire chez les Celtes".
C'est ainsi que la royauté biturige et la royauté suprême d'Irlande à Tara, plus mythiques qu'historiques, éclairent la conception celtique du centre du monde. Cette notion de royauté centrale s'identifie avec celle d'omphalos, de centre sacré1. "Guerrière, sacerdotale ou encore cumulant les deux aspects, la fonction royale est intrinsèquement religieuse".

2. A propos d'une discordance de César et Tite-Live.

F. Le Roux cite le passage (De Bello Gallico, VI, 13) où César mentionne le locus consecratus où se réunissent les druides gaulois, dans le pays des Carnutes, et affirme qu'un tel lieu a dû attirer de nombreux visiteurs, y compris après la conquête romaine. Puis elle examine les arguments - nombreux - en faveur du site de Saint-Benoît-sur-Loire (45). Ces arguments, bien que non probants, constituent un faisceau de présomptions qui obligent à la réflexion. Pourtant, les Carnutes ne sont pas les Bituriges, et à l'époque de la Guerre des Gaules ces deux peuples étaient assez opposés. L'omphalos semblerait donc assez mal placé.
Or, l'historien romain Tite-Live écrit dans son Histoire Romaine, V, 34 :
"Voici ce que nous avons appris du passage des Gaulois en Italie : Pendant le règne de Tarquin l'Ancien, chez les Celtes qui forment le tiers de la Gaule, l'autorité des Bituriges était la plus grande. C'est eux qui donnaient un roi à la Celtique. Ce fut Ambigatus, dominant par son mérite, sa fortune personnelle et surtout publique car sous son gouvernement la Gaule eut une telle abondance de récolte et d'hommes qu'on pouvait, semble-t-il, à peine gouverner une telle multitude. Etant lui-même très vieux et désirant décharger son royaume de la population qui le surchargeait, il fait savoir qu'il enverra Bellovèse et Ségovèse, fils de sa sœur, jeunes gens courageux, aux endroits que leur fixeront les augures ; "qu'ils fixent le nombre des hommes qu'ils veulent emmener afin qu'aucun peuple ne puisse s'opposer à leur venue". Le sort donne alors, à Ségovèse, la forêt hercynienne ; à Bellovèse les dieux donnent une direction plus agréable : l'Italie. Celui-ci lève ce qui surabondait chez les peuples (d'Ambigatus), Bituriges, Arvernes, Senons, Eduens, Ambarres, Carnutes, Aulerques. Il part avec un grand nombre de troupes d'infanterie et de cavalerie chez les Tricastins. Là, les Alpes s'opposaient à lui ; qu'elles lui soient apparues comme infranchissable, je ne m'en étonne nullement, car à moins qu'il ne convienne de croire à la légende d'Hercule, on ne les avait encore franchies par aucun passage. Comme la hauteur des montagnes retenait en quelque sorte les Gaulois prisonniers, ils regardaient partout de quel côté ils passeraient à travers cette chaîne qui touchait au ciel vers un autre univers. La religion les retint encore parce qu'on annonçait que des nouveaux venus cherchant une terre étaient attaqués par les Salyens. Ces nouveaux venus étaient les Marseillais, venus par mer de Phocée. Les Gaulois virent là un présage de leur propre sort et les aidèrent à fortifier, sans opposition des Salyens, l'endroit qu'ils avaient occupé en débarquant. Eux-mêmes passèrent les Alpes tranquillement par les cols des Taurins ; ayant infligé aux Etrusques une défaite non loin du Tessin et ayant entendu dire que le pays dans lequel ils s'étaient installés s'appelait Insubrium, le même nom que le canton des Insubres chez les Eduens, ils suivirent le présage de l'endroit et y fondèrent une ville qu'ils appelèrent Mediolanum".
Ambigatus est le souverain parfait, qu'on rencontre aussi dans les textes irlandais (par ex. Conchobar), tandis que Bellovèse et Ségovèse font penser aux Dioscures et au couple irlandais Cúchulainn et Conall Cernach. "L'image de la royauté suprême celtique est et reste celle d'un 'Roi du Monde' gouvernant avec ses deux assesseurs, selon une formule ternaire hautement traditionnelle". On remarque en tout cas la fédération, sous l'autorité d'Ambigatus, des peuples les plus puissants de la Gaule à l'époque de César : Eduens, Arvernes, Aulerques, et aussi les Carnutes, détenteurs du locus consecratus.
Dans ce cas, comment expliquer la différence de situation entre Tite-Live et César ? Les guerres endémiques ont pu faire décliner la royauté biturige, les frontières se déplacer, l'omphalos a pu être transféré par la contrainte d'un sanctuaire biturige au locus consecratus carnute, à moins que les Carnutes aient été depuis toujours les gardiens de ce lieu consacré (Carnuti, "les gens du carn", c'est-à-dire de la pierre ?). La décadence serait alors due aux roitelets arvernes et éduens, qui auraient usurpé la suzeraineté peu avant l'empire arverne de Bituitos et de Louernios, vers le III° siècle. "La fréquence des Mediolanum dans la toponymie gauloise serait ainsi explicable par l'influence qu'ont exercée les Bituriges à la haute époque".
Ces hypothèses, que rien ne contredit, éclaireraient la contradiction Tite-Live / César, et la situation en Gaule pendant la conquête : "hostilité à la fonction royale, émiettement de l'autorité, agitation d'une caste militaire irresponsable et ambitieuse, invasion étrangère, misère du peuple et tractations étranges du druide Diviciacus...".
"L'éviction ou la suppression des rois suprêmes bituriges, la rupture d'équilibre matérialisée par le transfert de l'omphalos aurait été, dans ces conditions, le premier signe du déclin celtique (...)".


3. Le schéma insulaire.

Dans le Lebor Gabala ou Livre des Conquêtes de l'Irlande, on apprend comment l'île est divisée en cinq provinces depuis les plus lointaines origines. Une portion des quatre provinces (Ulster, Leinster, Munster et Connaught) a été prélevée pour former la province centrale de Mide ("milieu").
Keating, quant à lui, explique dans son Histoire d'Irlande comment et pourquoi sont organisées les différentes fêtes traditionnelles dans les quatre "forteresses" royales (Tailtiu, Tara, Tlachtgha et Uisnech) de la province de Mide. Ces fêtes (en relation avec les différentes fonctions sociales et traditionnelles) sont donc non seulement calendaires mais aussi géographiques, sur le principe du circuit annuel du roi d'Irlande. "Une pierre des divisions" existait bien, mais elle se trouvait à Uisnech et non au point de jonction des quatre provinces dans Mide, ce qui n'empêche pas Giraud de Cambrie d'écrire : "La trouvant vide (l'Irlande) en arrivant, ils se la partagèrent en cinq parties dont les extrémités se rejoignent à une certaine pierre de Midhe, près du château de Kylla. On appelle cette pierre l'ombilic d'Irlande parce qu'elle est située presque au centre et au milieu de la terre ; d'où il vient qu'est nommée Midhe la région d'Irlande dont elle est le centre". A noter que cette pierre a été christianisée, devenant Ail Coithrige "la pierre de Patrick" au lieu de Ail Coic-rige "la pierre des cinq royaumes"... S'il y a un omphalos d'Irlande, c'est à Uisnech qu'il devait se trouver. Or ce n'est pas là que se tenaient les assemblées druidiques, mais à Tlachtgha, dans la nuit de Samain. Il est pourtant improbable que les druides irlandais et gaulois aient tenu leurs assemblées dans un endroit autre que l'ombilicus ou locus consecratus. L'hypothèse qui a la faveur de l'auteur est celle d'une multiplication des sanctuaires, de transferts et d'usurpations qui trahissent l'anarchie et la décadence. Notons que, après la christianisation, l'omphalos religieux a été (encore ?) tranféré à Clonmacnoise.
D'autre part, on trouve dans divers textes la mention d'une autre pierre, à Mag Slecht ("plaine du massacre"), qualifiée de "idole royale d'Irlande", et nommée Crom Cruaich. On ignore la localisation de cette pierre, et on ne peut l'exclure a priori du système des omphaloi d'Irlande. On y rendait un culte sacrificiel et des oracles étaient rendus, certainement lors d'une fête solennelle, Beltaine ou Samain. Le saint évangélisateur de l'île, saint Patrick, ne pouvant christianiser cet omphalos, l'a détruit.
Le Mabinogi de Lludd et Llevelys, enfin, raconte comment le roi Lludd, pour mettre fin à l'un des fléaux de l'île de Bretagne (un cri effrayant poussé par un dragon), doit mesurer l'île pour en trouver le centre exact. Après qu'il aura creusé un trou dans lequel il aura placé une cuve d'hydromel, apparaîtront deux dragons qui se battront jusqu'à l'épuisement. Il lui faudra alors les enfermer dans un coffre de pierre, à l'endroit le plus fort du royaume, afin qu'aucun envahisseur ne vienne dans l'île de Bretagne.



4. Conclusion

Je cite in extenso la conclusion de Françoise Le Roux :

Les études sur la fonction royale et la structure de la société celtique sont encore à leurs tout débuts. Mais les divergences ne semblent pas porter sur l'essentiel et les traits communs ressortent sans difficulté.

  1. En Irlande une province centrale a été constituée par prélèvement d'une parcelle de territoire de chacune des quatre provinces primitives tandis que les textes historiques gardent le souvenir indiscutable d'une fédération gauloise dont le souverain était le maître de tous les Celtes continentaux. Mythique ou non le fait est là : le nom des Bituriges est suffisamment explicite et il faut en tenir compte.
  2. La province ou la fédération centrale symbolise le milieu du pays, sinon le milieu du monde. Elle est elle-même l'omphalos et son propre centre est le lieu sacré par excellence. C'est l'endroit où l'on entre le mieux en communication avec les divinités, les puissances de l'autre monde et nous avons des traces, en Gaule et en Irlande, de temples lithiques ou de pierres qui ont pu matérialiser la conception de l'omphalos.
  3. L'obligation de posséder un omphalos transcendant l'intégralité de la religion nationale ne nuit cependant en rien à la pluralité des lieux de culte : l'omphalos est à la fois unique et composite. Chacune des quatre parties de la province centrale d'Irlande contient un sanctuaire la rattachant à son ancienne province et c'est l'ensemble de ces sanctuaires qui forment l'omphalos proprement dit. Il est probable qu'une telle organisation a aussi prévalu en Gaule où le centre du pays est jalonné de sanctuaires de première importance. Chaque province enfin, chaque cité et chaque canton a possédé son ou ses sanctuaires, lesquels étaient compris, selon la définition de Loth déjà citée, comme des "commémorations du sanctuaire national".
  4. Les localisations géographiques précises sont de peu d'importance et il est peut-être vain de les rechercher. Il suffit de savoir que la notion religieuse de centre et de "Roi du Monde" a reçu chez les Celtes une application pratique. C'est la faiblesse matérielle du souverain suprême, aussi bien en Irlande que, sans doute, en Gaule, qui a provoqué l'écroulement du système politique celtique.
Plus tard, et infiniment plus tangible dans l'histoire, avant celui d'Alesia (encore un autre sanctuaire) le désastre d'Avaricum, capitale des Bituriges, sonne lugubrement le glas de l'indépendance2. De tous les évènements qui ont préparé lentement ce funeste épilogue, nous ne savons presque rien. Mais l'examen de la structure religieuse nous fait soupçonner les bouleversements au terme desquels les "rois du monde" ont été injustement dépouillés de leur royauté initiale. Malgré la parcimonie avec laquelle les informations nous ont été accordées par les auteurs anciens, les Bituriges se voient donc confirmés in perpetuo en tant que légitimes détenteurs de l'imperium celtique.

NOTES :
1 Comme F. Le Roux, on ne peut que citer la définition générale de l'omphalos par Mircea Eliade dans son Traité d'Histoire des Religions :
"Aussi ces centres se laissent-ils fort difficilement dépouiller de leurs prestiges et passent, à la manière d'un héritage, d'une peuplade à l'autre, d'une religion à une autre. Les rochers, les sources, les grottes, les bois vénérés au cours de la protohistoire continuent, sous des formes variables, d'être tenus pour sacrés par les populations chrétiennes d'aujourd'hui. Un observateur superficiel s'expose à prendre pour une "superstition" cet aspect de la religiosité populaire et à y voir la preuve que toute vie religieuse collective est constituée en bonne partie par un héritage de la préhistoire. En réalité, la continuité des lieux sacré démontre l'autonomie des hiérophanies ; le sacré se manifeste suivant les lois de sa dialectique propre et cette manifestation s'impose à l'homme du dehors. Supposer que le "choix" des lieux sacrés est abandonné à l'homme lui-même, c'est du même coup rendre inexplicable la continuité des lieux sacrés".


2 On pourrait se demander en vertu de quelle loi de l'histoire, quinze siècles plus tard, les Anglais perdirent la guerre de Cent Ans, non seulement pour avoir brûlé Jeanne d'Arc, mais pour n'avoir pris ni Orléans ni Bourges ; on pourrait se demander également pourquoi la dynastie capétienne, à peine remise des épreuves du "Roi de Bourges", se lança, sans toutefois pouvoir s'y maintenir, dans la conquête du Milanais.


mardi 4 mars 2014

La Royauté sacrée chez les Celtes - 1. Mediolanum Biturigum



Les Celtes semblent avoir conservé une conception traditionnelle de la royauté. Le roi n'y est pas seulement le chef temporel de la communauté, mais occupe une place spirituelle et même métaphysique particulière. La société humaine devant être à l'image de la société divine, le roi est la projection sur terre de la royauté sacrée idéale.
Ces conceptions métaphysiques s'expriment par des mythes qui racontent la fonction royale. Elles sont en relation avec une géographie sacrée, qui les incarne dans le paysage.



I. Mediolanum Biturigum

Deux éléments de vocabulaire religieux et de géographie sacrée
Christian-J. Guyonvarc'h
in Ogam XIII, n° 73, février-mars 1961

résumé


1. Le nom des Bituriges

Tout d'abord, le Pr. Guyonvarc'h analyse le nom de la tribu gauloise des Bituriges (actuel Berry, capitale Bourges). Si la deuxième partie de ce nom ne fait pas mystère (il s'agit du suffixe répandu -rix, pluriel -riges, "rois"), en revanche le premier élément a donné lieu à quelques débats que l'auteur s'attache à résoudre. En effet, certains interprètent le mot *bitu- par "éternel", et d'autre par "monde".
Après avoir énuméré les noms contenant le radical BITU dans l'épigraphie continentale, Ch.-J. Guyonvarc'h constate qu'en celtique insulaire (irlandais), la forme bith exprime aussi bien la notion de monde (for bith ché "dans ce monde", tre bithu sir "à travers le grand monde") que celle d'âge, d'éternité, de siècle (isna bithu "pour toujours", tria bithu na m-betha "à travers les âges des âges", c'est-à-dire "pour les siècles des siècles"). Mais on trouve également une acception adjectivale signifiant "éternel" dans les expressions bith-anim "âme éternelle", bith aittreb "demeure éternelle", bithmaith "toujours bonne" (épithète de Sainte-Brigitte). On en conclut que les deux mots n'en font qu'un seul, issu d'un thème indo-européen *g(u)i qui désigne la vie (irl bethu, gall bywyd, du vieux celtique *biueto-, indo-européen *g(u)ieto-)1.
Le nom des Bituriges peut donc être compris comme "toujours rois" si l'élément *bitu- est considéré comme un adverbe, et "rois du monde" s'il s'agit d'une composition de substantifs. C'est pourquoi le celtisant écrit : "Dans le principe métaphysique absolu (...), politiquement et religieusement, tout le peuple biturige est 'roi du monde' par rapport au reste du monde profane et surtout au reste de la Gaule. C'est en vertu de cette qualité intrinsèque que, insensible aux fluctuations de l'histoire humaine, sa royauté est universelle et perpétuelle. On pourrait aussi traduire par 'tout à fait rois, très royaux', (en ajoutant) : la royauté suprême perdure jusqu'à la fin des temps. Le traitement réservé à la Tara des rois dans la légende royale irlandaise en fournirait, si besoin était, un illustre exemple !".


2. Mediolanum

Le toponyme Mediolanum est un des plus répandus de notre géographie, mais il a très peu été étudié. Le problème est le suivant : Medio- signifie clairement "milieu". L'Irlande possède justement une province centrale nommée Mide "milieu" (aujourd'hui Meath). Le second élément -lanum peut correspondre au latin planus (les langues celtiques ayant pour caractéristique d'abandonner le -p- initial). Dans ce cas, Mediolanum signifierait simplement "plaine du milieu", et désignerait des sortes de sanctuaires fédéraux, dans une conception analogue au Midgard scandinave. Cependant le seul adjectif celtique dont on peut rapprocher *lanon est *lanos, qui ne signifie pas "plat", mais "plein". D'autre part, les Mediolanum recensés ne sont pas tous centraux, loin de là, et ne sont pas forcément situés en plaine. En outre, le Mediolanum des Bituriges ne présente aucune trace archéologique d'un grand sanctuaire national.
Il faut donc reprendre l'étude exhaustive de tous les Mediolanum. L'auteur dresse une liste des 58 toponymes de France et d'Europe occidentale qui peuvent avoir été des Mediolanum, de Milan (Italie) jusqu'à Metelen (Westphalie), en passant par Châteaumeillant (Mediolanum des Bituriges, Cher), Malain (Côte d'Or), Molain (Jura) et Molliens-Vidame (Somme).
On constate alors que :
" 1°) Un petit groupe de toponymes s'applique à des villes ou à des localités ayant eu une importance relativement grande dans l'antiquité celtique.
2°) Un autre groupe désigne des hauteurs. Il est bien évident, par exemple, que Châteaumeillant, oppidum des Bituriges, n'est pas situé dans une plaine.
3°) La plupart des Mediolanum sont des lieux-dits, des écarts, des hameaux ou des villages, en tout cas semble-t-il des endroits éloignés de tout établissement humain de quelque envergure, à notre époque ou à l'époque antique. Des fouilles systématiques seraient nécessaires dans ces endroits."

Tout ceci pose des questions qui ne peuvent être résolues par le linguiste (pourquoi n'y a-t-il pas de Mediolanum en Europe centrale ? Le terme serait-il "tardif, limité à un type restreint ou bien défini d'oppidum ou d'habitat, postérieurement au déplacement du "centre" celtique d'Europe centrale et danubienne vers l'ouest ?"). Se limitant à la question du sens de Mediolanum, Ch.-J. Guyonvarc'h l'attribue sans hésiter au vocabulaire religieux du celtique continental, et le rapproche du Medionemeton évoqué à propos du locus consecratus de César : "Medionemeton, Mediolanum, Vindolana et toutes les formations de ce genre ont désigné sans nul doute à l'origine un enclos ou ene clairière, au moins un espace libre symbolisant le centre religieux et culturel de la peuplade, de la tribu ou de la cité". De plus, le second élément du nom, -lanum, peut être interprété comme une forme de lanos, "plein", avec le sens de "parfait, complet". Le toponyme "indique selon toute apparence un endroit où pouvait se réaliser une espèce de plénitude religieuse, un "centre de perfection".
"Le nom de Mediolanum, porté par un important oppidum des Bituriges,, serait ainsi caractéristique de la vocation particulière de ce peuple en vertu d'une position géographique centrale, doublement idéale et réelle".




1 Je rappelle que l'astérisque désigne un mot non attesté mais reconstitué par la linguistique.



lundi 3 mars 2014

Coproduction conditionnée



Noirceur, ténèbres, obscurité.
Silence sourd.
Flottement.
Haut ? Bas ? Droite ? Gauche ?
Ca n’existe pas.

Il faut !
Bouger, préférer, sentir.
Le haut ! Le bas !
Oui ! Non !
Vouloir !

Me voilà !
Ha ha ! Ça y est ! C’est moi !
Je suis.
Les autres aussi.
Le monde et moi.

Corps de matière,
Sensations, chaud froid, ça va.
Ah oui ! Je vois. J’entends.
J’aime ça. Horreur !
C’est moi.

Vue,
Ouïe,
Nez,
Langue,
Touche et pense.

Contact !
Soleil et musique,
Odeur et saveur,
Sensations corporelles,
J’ai pensé !

C’est beau, c’est laid.
Jolie bouche,
Arbre mort,
Hirondelles et fleurs parfumées.
Raison.

Hmmm, encore !
J’en veux !
Toujours plus !
J’ai faim, j’ai soif !
A moi !

C’est à moi.
C’est mien, c’est moi.
Non !
Reste là !
Ne me quitte pas…

Ronde inéluctable,
Passé-présent-futur,
Avance toujours
Chute
Roulement de tambours

Il est arrivé !
Quel beau bébé !
Comment l’avez-vous nommé ?
Petit homme,
Tu es né.

Aïe !
Douleurs et gémissements,
maladies, guérisons,
maladies, vieillissement.
Mort.


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