mercredi 12 novembre 2014

Hsin Hsin Ming

Hsin Hsin Ming:

L’expression verbale d’une expérience de l’Eveil


traduction : Wolfgang Bernard



La Voie Parfaite n’est pas si difficile si tu n’as pas de préférences.
Dès que tu arrêtes d’aimer ceci et de haïr cela, tout devient clair, sans masques.

Mais fais la plus infime distinction entre une chose et une autre, et tu crées une séparation infinie.
Donc, si tu veux vivre dans la Vérité, alors n’aies aucune opinion pour ou contre quoi que ce soit.

Eviter le désagrément et chercher le plaisir est la maladie du mental.
Si tu ne connais pas le sens profond de la Voie, la paix de ton âme est troublée.

La Voie est aussi parfaite que l’immensité de l’espace, où rien ne manque et rien n’est en excès.
Le fait même de choisir d’accepter ou de rejeter, t’empêche de voir la vraie nature de la vie.

Ne vis pas en cherchant des réponses dans le monde extérieur, ni en t’enfonçant dans tes sensations internes de confusion. Calmement et impartialement, vois, ressens, entends, goûte l’unité des choses et la dualité disparaîtra en elle-même.

Quand tu t’efforces de créer le calme en arrêtant l’activité naturelle du mental, la quiétude qui en résulte est elle-même active et en mouvement. Tant que tu restes attaché à l’un ou l’autre de ces extrêmes, tu ne peux pas réaliser ce qui est « non-deux ».

Et tant que tu n’as pas compris cela, tu échoues de deux façons. En niant la réalité, tu affirmes avec insistance son existence même, et en affirmant avec insistance la confusion, tu nies sa réalité.

Plus tu parles de la libération et plus tu y penses, plus tu t’éloignes de la Vérité. Arrête cet attachement à toute parole et à toute pensée sur l’Eveil et tu le trouveras bientôt partout.



Va vers ta source intérieur et tu trouveras du sens, mais si tu regardes à l’extérieur de toi, tout sens sera perdu.
Etre libéré pour juste un instant, c’est transcender l’apparence et la confusion dans le monde.

Ne cherche pas de nouvelles vérités; arrête simplement tout attachement à tes croyances et à tes jugements.
Sois vigilant à toute dualité tout en évitant soigneusement d’en rechercher de nouvelles.

S’il y a ne serait-ce qu’une trace de ceci ou cela, de bien ou mal, tu seras laissé dans la confusion.
Bien que toute dualité provienne de ce qui est “non-deux”, ne t’inquiète pas de ce “Un Sans un Second”.

N’aie ni objection, ni blâme pour quoi que ce soit dans le monde, et ta vie coulera devant toi.
Et quand tes pensées discriminantes n’existeront plus, ton mental tel que tu le connaissais n’existeras plus.

Toi (en tant que sujet), tu crois en ton existence séparée parce que les choses extérieures sont vues comme des objets. Pourtant, ni le sujet intérieur, ni l’objet externe ne peuvent exister l’un sans l’autre.

Comprends la relativité de toi et de l’autre, et tu comprends la réalité de base – qui est “non-deux”.
Dans cette réalité, tu ne peux pas distinguer l’un de l’autre car chacun contient en soi le monde entier.

Ne discrimine pas entre ce qui est grossier et ce qui est fin, et tu ne seras pas pour ou contre quoi que ce soit.
Vivre dans la Grande Voie est ta nature. Ni facile, ni difficile : simplement, c’est.

Compter sur tes vues limitées, crée peur et indécision. Plus tu te presses, moins tu vas vite.
N’aies pas de préférences en ce qui concerne tes attachements. Même l’attachement à l’idée de Libération éloigne de la vérité.

Laisse les choses être telles qu’elles sont, accepte la vie comme elle est; ainsi, il n’y a ni attente, ni incrédulité.
Vois le flot inhérent à la vie, bouge sans effort avec lui, et tu seras libre et tranquille.

Quand tes pensées sont en esclavage, la vérité est toujours cachée derrière le mental nuageux et obscur.
Juger soi-même et l’autre te laisse seulement confus et las à l’intérieur.
Aucun bénéfice ne peut découler de constants jugements et séparations.

Vivre librement dans la non-dualité, c’est tout accepter comme indiscernable, même le monde des sens et des idées. Tout accepter complètement, totalement, est la véritable libération.

L’homme sage ne fait aucun effort pour faire quoi que ce soit, mais l’homme insensé s’attache au ‘faire’.
Il n’y a qu’une vérité, Un Goût, et non plusieurs; ta séparation provient des attachements et des jugements.

Chercher le non-mental de la libération avec le mental de l’identité est la plus grande des erreurs.
Les opposés proviennent des illusions dans ton mental; avec la libération, il n’y a pas d’opposés – pas : aimer ceci et détester cela.

Toutes les formes de dualité proviennent des frontières illusoires créées à l’intérieur de ton mental.
Ils sont comme des rêves, des hallucinations, des fantômes dans les airs, et il est insensé d’essayer de s’y accrocher.
Gain et perte, vrai et faux, tu dois éliminer ces pensées maintenant, une fois pour toutes.

Si tu cessais de dormir, il n’y aurait plus de rêves.
De la même façon, si ton mental cessait toute distinction, alors toutes les choses sont vues telles qu’elles sont : la réalité fondamentale.

Si tu comprends le mystère de ce qui est “non-deux”, tu seras délivré de tout esclavage.
Lorsque tu peux voir toutes choses comme égales, sans distinction, tu as atteint ta vraie nature.

Aucune comparaison, aucune analogie ne sont possibles dans cet état sans cause et sans finalité.
Penses attentivement au mouvement qui existe dans le calme et au calme qui existe dans le mouvement, et mouvement et calme disparaissent tous deux.

Quand ces dualités n’existent plus, l’Advaïta lui-même ne peut pas exister.
Et dans l’Absolu, au-delà de tout ce qui est séparé, il n’y a ni règles, ni lois, ni descriptions.

C’est seulement ici et maintenant que toutes tes luttes peuvent être calmées, tes doutes et ton indécision dissipées, et qu’une vie libérée devient possible. Et à chaque moment, tu es libre de ton esclavage; tu n’es attaché à rien et rien ne s’attache à toi. Tout devient clair, vide, et lumineux en soi, sans aucun effort de ton mental.

Quand viennent des doutes, relies-toi simplement à ce « non-deux » et tu couleras directement dans l’harmonie avec cette réalité. Dans ce « non-deux », toi et tout n’êtes plus séparés, toi et tout n’êtes plus exclus.
Peu importe quand et peu importe où, être libéré signifie entrer dans cette vérité.
Et dans cette vérité, il n’y a ni temps, ni espace, ni différentiation; un seul moment est infini.

Il y a de la confusion en toi et de la confusion à l’extérieur de toi et pourtant l’univers est toujours juste en face de toi. Quand tu ne te défini plus et quand tes frontières auto construites disparaissent, l’univers est à la fois infiniment grand et infiniment petit; il n’y a pas de différence.

Il en est aussi ainsi avec être et non-être.
Arrête de maintenir les doutes et les discussions qui n’ont rien à voir avec cette réalité:

Tout est l’Un, et l’Un est en tout; pas de frontières excepté celles créées par ton mental.
Si tu peux réaliser seulement cela, tu ne t’inquiéteras plus de tes non-perfections, ni de celles du monde.

Vivre avec cette conviction est la voie de la non-dualité, car le non-duel est déjà unifié par le mental qui fait confiance à la Voie.

Mots !
La Voie est au-delà de tout langage, car dans la Voie, il n’y a ni passé
ni futur

ni présent.


samedi 1 novembre 2014

Toussaint, Samhain et Fête des Morts



AUJOURD'HUI, 1er novembre, c'est la fête de la Toussaint, la fête chrétienne de tous les Saints.

Plus exactement, il s'agit d'une fête catholique romaine, instituée au 8° siècle. Elle ne provient pas de l'enseignement du Christ, évidemment. L’Église orientale fête les Saints le dimanche après la Pentecôte – ce qui est doctrinalement logique, puisque la Pentecôte c'est la descente de l'Esprit saint sur les apôtres du Christ, qui deviennent alors les premiers vrais saints : le processus est achevé.

Alors, pourquoi le 1er novembre en Occident ?

C'est que la moitié occidentale latine de l'empire romain est tout autant celtique que romaine. Les Gaulois ont autant celtisé Rome, que Rome a romanisé la Gaule.

Or, le 1er novembre est la date de la principale fête religieuse celtique. On connaît son existence dans le calendrier gaulois de Coligny, sous le nom de Samonios. Et on connaît son contenu dans les mythes irlandais, où elle se nomme Samain (vieil-irlandais), Samhain (moyen-irlandais) ou Samhuin (gaélique d’Écosse).

Il s'agit du premier jour de l'année calendaire. Pour les Celtes, le temps est divisé en deux moitiés, la première sombre, la seconde claire. Ils faisaient commencer la journée à la tombée de la nuit. De même, l'année commençait au début de la saison sombre.

La fête de Samain durait en réalité une semaine : trois jours avant, et trois jours après. Cette période est une parenthèse dans le déroulement du temps : il n'y a plus de temps, ou plus exactement nous ne sommes plus dans le temps ordinaire – tout comme le sanctuaire, le temple, est un espace où s'abolit l'espace. Ainsi, à Samain, le temps aboli permet la communication entre les mondes. L'autre monde, l'Outremonde des dieux et des morts se manifeste dans ce monde-ci, et les héros de ce monde-ci sont susceptibles de se rendre en Outremonde et d'y conquérir l'immortalité. Beaucoup d'événements mythiques ont donc logiquement lieu à Samain.



Malgré la romanisation et la christianisation, tous les pays celtiques, ou anciennement celtiques – c'est-à-dire tout l'occident romain, Espagne, nord de l'Italie, Grande-Bretagne comprises – ont continué de considérer cette date comme un moment où les morts, les dieux et les héros sont présents, pénètrent notre monde. Or, en chrétienté, les plus grands héros sont les saints : il est donc normal de célébrer tous les saints en ce jour sacré – que ces saints soient historiques, comme Patrick, Pierre, Jean ou André, ou qu'ils soient les héritiers des anges et des dieux, comme sainte Brigitte, saint Michel, assimilé au Mercure gaulois : Lug.

Mais l'autre monde est aussi celui de nos morts. En 998, Odilon abbé de Cluny en Bourgogne institue un jour de commémoration pour les morts, le 2 novembre. Aujourd'hui, ces deux fêtes n'en font toujours qu'une dans l'esprit des catholiques, et c'est à la Toussaint que nous allons fleurir nos tombes.

Joie de la sainteté, tristesse de la mort, sont les deux faces de notre destin : nous sommes tous appelés à mourir, mais notre vraie nature, c'est la Vie !

Joyeuse Toussaint !




PS : En Irlande, Samhain s'est perpétuée parallèlement à la Toussaint/Fête des morts, et la communauté irlandaise des États-Unis d'Amérique en a fait ce que nous appelons Hallowe'en : un folklore où sorcières et fantômes hantent les vivants. Certes, la dérive commerciale de cette fête est indéniable, et la noblesse du mythe disparaît derrière les costumes en plastique et les bonbons chimiques. Mais cette dérive n'atteint-elle pas toute notre civilisation et toutes nos fêtes, à commencer par Noël ?