mardi 23 août 2016

CONTES D'ATHIRNE : 3. GRETH MANGE-T-IL DU LAIT CAILLE ?


Il y avait un forgeron célèbre en Irlande, Echet Salach était son nom, un maître en tous les arts, si bien qu'avant lui et après lui, il n'y a eu de meilleur forgeron. Un autre nom pour lui était Echen. Un fils lui était né, Amergin était son nom . Le garçon passa quatorze années de son enfance sans parler.
Son ventre grandit jusqu'à la taille d'une grande maison, et il était tendu, gris et épais. La morve de ses narines lui coulait dans la bouche. Sa peau était noire, ses dents étaient blanches, et son visage était pale et gris. Ses mollets et ses cuisses étaient comme les deux poignées du soufflet d'un forgeron. Ses pieds étaient tordus et crochus. Ses chevilles étaient énormes. Ses joues étaient hautes et longues. Ses yeux étaient creux et rouge foncé. Ses sourcils poussaient épais vers le bas.. Ses cheveux étaient drus et hérissés. Son dos était majestueux, osseux et plein de croûtes.
Ainsi, il n'était pas beau à voir. A cause de sa négligence à nettoyer autour de son siège, sa merde montait aussi haut que ses hanches.
Ses aliments préférés étaient le lait caillé bouilli, le sel de mer, les mûres rouges, les épis de blé grillés, les gousses d'ail sauvage, et les coquilles de noisette vides, avec lesquelles il avait l'habitude de jouer à table.
Un jour, Athirne envoya son serviteur, dont le nom était Greth, à Echet Salach pour qu'il lui fasse une hache. Greth vit cette énorme créature horrible sur le sol de la maison, qui le regardait d'un œil mauvais. Greth donna une avance.
La fille d'Echet était dans la maison, près du garçon. Ce qu'on entendit, ce fut le garçon parlant au serviteur d'Athirne. "Greth mange-t-il du lait caillé ?", dit-il trois fois. Greth donna une grosse avance. Le garçon lui parla à nouveau :

Mûres,
Prunelles,
Gousses d'ail sauvage ;
Pigne de pin,
Pommes sauvages,
Lait caillé.
Greth mange-t-il du lait caillé ?

Greth sortit en courant de la maison et du fort, il traversa la chaussée et tomba dans la boue. Puis il retourna vers Athirne.
"Tu reviens de la guerre", dit Athirne quand il le vit. "Tu as l'air terrible".
"Je ferais aussi bien", dit Greth. "Un garçon qui n'avait pas dit un mot depuis quatorze années m'a parlé aujourd'hui, et à moins de le supprimer, ce garçon prendra ta place".
"Que t'a-t-il dit ?"
"Ce n'est pas difficile", dit Greth, et il répéta les mots d'Amergin.
Peu de temps après, Echet retourna à sa maison. Sa fille lui dit : "Aujourd'hui, Amergin a parlé au serviteur d'Athirne, qui est venu ici pour te demander de lui faire une hache".
"Que lui a-t-il dit ?" dit Echet. Sa fille le lui dit.
"Je sais ce que cela va donner", dit Echet. "Athirne va venir et tuer le garçon afin qu'il n'aie pas le meilleur pour lui, car le garçon qui a dit cela possède une grande sagesse".
La fille quitta le fort, emmenant le garçon avec elle, et ils allèrent vers le sud garder leur bétail à Sliab Mis. Echet fabriqua une image d'argile du garçon, et le mit à sa gauche, entre lui-même et son soufflet. Il l'habilla de vêtements fins, et l'allongea comme s'il dormait.
Athirne et Greth arrivèrent, et virent le garçon endormi. Leur hache était prête, et ils en étaient satisfaits. Athirne la prit par le manche, et l'abattit sur la tête de l'image, pensant qu'il s'agissait du garçon. Puis il s'enfuit, avec son serviteur, et un tollé s'éleva derrière eux.
Les armées se mirent en chasse. Athirne rassembla toute sa propriété dans son fort. Les hommes d'Ulster arrivèrent et l'assiégèrent, et un traité fut fait entre eux. A Echet on donna le prix de sept femmes-esclaves, et son propre prix de l'honneur, et lui et Athirne arrivèrent à un accord. Athirne prit l'enfant en fosterage, et lui enseigna les arts du poète. Et c'est pourquoi Athirne perdit sa position de chef poète d'Ulster, et Amergin prit sa place.


Notes
Ce texte présente Amergin, protégé d'Athirne et père de Conall Cernach.
Sources
R I Best et al (1954-1983), The Book of Leinster pp. 435-436
John Carey (1997), "Tales from the Ulster Cycle", The Celtic Heroic Age (eds John T Koch & John Carey), pp. 48-133
http://www.geocities.com/paris/arc/6084/athirne.htm (traduit de l'anglais par Frédérick Morvan)


dimanche 21 août 2016

CONTES D'ATHIRNE - 2. ATHIRNE L'INSOCIABLE

Athirne l'Importun, fils de Ferchertne : c'est lui qui était le plus inhospitalier des hommes qui vécurent jamais en Irlande. Il vint chez Mider de Brí Léith et il emporta chez lui les trois grues d'exclusion et d'inhospitalité, aux fins d'avarice et d'inhospitalité, si bien qu'aucun homme d'Irlande ne visitait sa maison dans l'attente de festivités et de divertissement.

"Tu n'entres pas", disait la première grue. "Va-t-en d'ici", disait sa compagne. "Continue ton chemin", disait la troisième grue.
Depuis ce jour, aucun des hommes d'Irlande qui les avaient vues n'allait à sa porte.
Il ne mangeait jamais à sa faim là où on pouvait le voir. Il alla avec un cochon cuit et une outre d'hydromel pour manger à sa faim tout seul. Alors qu'il s'installait devant son cochon cuit et son outre, il vit un homme arriver vers lui.
"Tu allais manger ça tout seul", dit l'homme, éloignant le porc et la bouteille d'un coup.
"Quel est ton nom ?", dit Athirne.
"Il n'est pas très connu", dit l'homme. " Sethor Ethor Othor Sele Dele Dreng Gerce mac Gerce Ger Gér Dír Dír, voilà mon nom".
Athirne ne put pas composer une satire à son propos, aussi ne put-il pas récupérer le cochon. Il est possible que l'homme ait été envoyé par Dieu pour prendre le cochon, afin qu'Athirne cesse d'être insociable désormais.

Sources
R I Best et al (1954-1983), The Book of Leinster p. 434
John Carey (1997), "Tales from the Ulster Cycle", The Celtic Heroic Age (eds John T Koch & John Carey), pp. 48-133

http://www.geocities.com/paris/arc/6084/athirne.htm (traduit de l'anglais par Frédérick Morvan)

CONTES D'ATHIRNE - 1. LA NAISSANCE D'ATHIRNE




Pourquoi Athirne était-il nommé "Athirne le féroce" ? Ce n'est pas difficile. C'est à cause d'un poème qu'il chanta alors qu'il était encore dans le sein de sa mère.

Quand sa mère était enceinte, elle alla chercher du feu dans une maison où on préparait une fête. A l'odeur de la bière, l'enfant qui était en elle fit un bond, et la frappa la tête la première.
Trois fois la femme demanda un verre de bière, mais à chaque fois le brasseur refusa. Il dit que, même si elle mourait de soif, ou si l'enfant lui sortait du flanc, la bière ne saurait être troublée sur son compte (à elle). Elle devra attendre de donner naissance, aussi longtemps qu'il faudra.

Les hauts des tonneaux avaient été couverts jusqu'à l'arrivée du roi, pour lequel ils avaient été préparés. A ce moment, ils entendirent la voix d'Athirne venant du sein de sa mère, et chantant un poème sur la bière. Les cercles de tous les tonneaux fermés éclatèrent, si bien que dans toute la maison, les gens pataugeaient dans la bière. La femme en but trois grandes gorgées avec sa main, avant de quitter la maison.

Si un poète à qui on a refusé un verre, chante ce poème de façon correcte, la bière explosera des tonneaux. C'est par lui que le tonneau est percé, car il ne convient pas qu'il le laisse après lui sans être bu.



Notes
Cette anecdote provient d'un texte de droit en Vieil Irlandais, le Bretha Nemed ou 'Lois de Privilège'.
Sources
John Carey (1997), "Tales from the Ulster Cycle", The Celtic Heroic Age (eds John T Koch & John Carey), pp. 48-133

http://www.geocities.com/paris/arc/6084/athirne.htm (traduit de l'anglais par Frédérick Morvan)