« L’idée shî’ite de la walâyat
correspond, sous un de ses aspects, à l’idée de la « communion
des saints » dans le christianisme. L’affiliation à ce corps
mystique ne suppose ni rituel ni cérémonial d’initiation. C’est
le « candidat » qui, en fait, s’engage lui-même, comme
jadis l’on s’engageait dans la quête du Graal, ou comme le
pèlerin Adam, formulant et renouvelant son engagement à l’« Ange »,
secret de la Pierre Noire qu’il portait avec lui. La réalité du
pèlerinage du cœur s’accomplit dans l’invisible qui est le
malakût. Ses effets fructifient dans la formation du jism
mithâlî, le corps imaginal, et c’est l’ensemble de tous les
« corps de lumière » qui forment l’invisible sodalité.
Celle-ci a bien une forme, voire une organisation et une structure,
mais tout cela dans le malakût : les membres de la hiérarchie
ésotérique dont parle la théosophie shî’ite, ne sont connus que
de Dieu seul. Et de même que c’est de cette Église invisible,
Ecclesia spiritualis, qu’il a été dit que « les
puissances de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle », de
même Qâzî Sa’îd nous a rappelé la parole de l’Imâm Rezâ
déclarant que « la Religion divine ne périrait pas, tant que
durerait le Temple de la Ka’aba », parole visant le Temple
immatériel de la foi, qui a pour garant et gardien le douzième
Imâm, l’Imâm caché. Gardien de ce Temple, il est caché aux yeux
des hommes, comme l’est le saint Graal, depuis la disparition de
celui-ci en la cité spirituelle de « Sarras », c’est-à-dire à
la limite du malakût et de notre monde. Et la raison qui de
part et d’autre, nous est donnée de cette occultation, est la
même. Les hommes n’étaient plus dignes ni capables de voir le
Graal, de même qu’ils sont devenus indignes et incapables de voir
l’Imâm. De part et d’autre, nous sommes invités à méditer une
même occultation pesant sur la situation actuelle de notre monde. »
Henry Corbin (in Temple et Contemplation)
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