Le
Dialogue
des deux Sages
(Immacallam
in dá Thuaraid
ou Agallam
in da Suad)
est un texte médiéval irlandais, contenu dans une douzaine de
manuscrits, dont les principaux sont : le Livre
de Leinster
(conservé
au Trinity College de Dublin, composé vers 1150),
le Yellow
Book of Lecan
(du
XV° siècle, également au Trinity College)
et le ms. Rawlinson
B.502
(des
XI° et XII° siècles, conservé à la Bodleian Library d'Oxford).
Il
a été édité et traduit en anglais par Whitley Stokes en 1905 dans
la Revue
Celtique.
La présente traduction française est de Christian-J. Guyonvarc'h,
ancien professeur de civilisation celtique à l'Université de Rennes
II, publiée sous le titre Le
Dialogue des Deux Sages
en 1999 aux éditions Payot.
La
langue est archaïque et souvent obscure. L'argument est le suivant :
Néde, fils du "docteur d'Irlande" (druide-poète le plus
élevé en grade) Adnae, apprend que ce dernier est mort, et qu'il a
été remplacé dans sa charge par Ferchertne, poète d'Ulster. Il
vient revendiquer le titre, et engage avec Ferchertne un dialogue
rempli de métaphores, de symboles et d'images difficiles, au terme
duquel l'un des deux interlocuteurs reconnaîtra la suprématie de
l'autre. Il s'agit du seul document authentiquement druidique qui
nous soit parvenu.
§ 1. Adna, fils d'Uthidir,
des gens du Connaught, était docteur d'Irlande en science et en
poésie. Il avait un fils, à savoir Néde. Ce fils alla donc
apprendre la science en Ecosse, chez Eochu Echbel, et il fut chez
Eochu jusqu'à ce qu'il fût habile en science.
§ 2. Un jour, le garçon
alla jusqu'au bord de la mer, car c'était toujours un endroit de
révélation de science pour les poètes que le bord de l'eau. Le
garçon entendit un bruit dans la vague, à savoir un chant de
plainte et de tristesse, et cela lui parut étrange. Le garçon mit
alors une incantation sur la vague jusqu'à ce qu'elle lui montrât
ce que c'était. Après cela il lui fut expliqué que la vague était
en train de pleurer son père après sa mort, que sa robe avait été
donnée au file
Ferchertne et qu'il avait pris la charge de docteur à la place de
son père à lui, Adnae.
§ 3. Le garçon alla à sa
maison et dit cela à son tuteur, à savoir Eochaid. Et il [Eochaid]
lui dit : "Va dans ton pays maintenant. Nos deux sciences ne
tiendront pas en un seul endroit car ta science t'a clairement montré
que tu es docteur en connaissance."
§ 4. Néde partit alors,
et ses trois frères avec lui, à savoir Lugaid, Cairpre, Cruttine.
Il rencontrèrent une tige de digitale sur le chemin. L'un deux dit :
pourquoi cela s'appelle-t-il une digitale ? Comme ils ne le savaient
pas, ils retournèrent chez Eochaid et furent un mois chez lui. Ils
reprirent leur chemin. Ils rencontrèrent un roseau. L'un d'eux dit :
pourquoi cela s'appelle-t-il un roseau ? Comme ils ne le savaient
pas, ils retournèrent chez leur tuteur. Il s'en allèrent de chez
lui au bout d'un autre mois. Il rencontrèrent une tige de sanicle.
Comme ils ne savaient pas pourquoi on appelait cela une tige de
sanicle, il retournèrent chez Eochaid et ils furent un autre mois
chez lui.
§ 5. Quand ces questions
eurent été résolues pour eux, ils partirent pour Cantire, et il
alla après cela à Rind Snoc. De Port Rig il passèrent ensuite la
mer et atteignirent Rind Roisc. Ensuite [ils passèrent] par Semne,
par Latharne, par Mag Line, par Ollarba, par Tulach Roisc, par Ard
Slébe, par Craeb Selcha, par Mag Ercaite, sur la Bann, le long de
Uachtar, par Glenn Rige, par les cantons des Hui Bresail, par Ard
Sailech, que l'on appelle aujourd’hui Armagh, par le Sidbruig
d’Emain.
§ 6. C’est donc ainsi
qu'allait le garçon, avec une branche d’argent au-dessus de lui,
car c’est ce qui était au-dessus des anruth.
[il y avait] cependant une branche d’or au-dessus des docteurs, une
branche de bronze au-dessus de tous les autres poètes.
§ 7. Ils partirent alors
pour Emain Macha. Ils rencontrèrent alors Bricriu sur la prairie. Il
leur dit que, s'ils lui donnaient sa récompense, Néde serait
docteur d'Irlande par son conseil et son intercession. Néde lui
donna une tunique pourpre avec un ornement d'or et d'argent. Bricriu
lui dit alors d'aller s'asseoir à la place du docteur et il lui dit
que Ferchertne était mort alors qu'il était au nord d'Emain,
guidant la sagesse de ses élèves.
§ 8. Et Bricriu dit alors
qu'un homme imberbe ne s'emparerait pas de la charge de docteur à
Emain Macha parce qu'il était puéril quant à ce qui était de
l'âge. Néde prit une pleine poignée d'herbe, y mit une incantation
si bien que chacun pensait qu'il avait une barbe. Il alla s'asseoir
sur le siège du docteur et prit sa robe autour de lui. La robe était
de trois couleurs, à savoir la couleur d'oiseaux brillants au milieu
; une averse de bronze blanc à la partie inférieure et le brillant
de l'or à la partie supérieure.
§ 9. Après cela Bricriu
alla à Ferchertne et il lui dit : "Il serait dommage pour toi
que tu sois exclu de la qualité de docteur aujourd'hui. Un jeune
homme honorable a pris la place de docteur à Emain." Ferchertne
fut fâché et il entra dans la maison royale si bien qu'il fut sur
le seuil, la main sur le montant [de la porte]. Il dit alors : "Qui
es-tu, poète, poète… ?…".
§ 10. Le lieu de ce
dialogue est cependant Emain Macha. Le temps en est le temps de
Conchobar, fils de Nes. L'auteur en est Néde, fils d'Adnae du
Connaught, ou bien il est des gens de la déesse Dana, comme il le
dit lui-même dans le dialogue : "Je suis fils de Dan
("Poésie"), Dan fils d'Osmenad ("Attention")"
– et Ferchertne, le poète des Ulates. La cause de la composition
est que la robe d'Adnae avait été donnée à Ferchertne par Medb et
Ailill après la mort d'Adnae. Si bien que Néde, fils d'Adnae, vint
d'Ecosse comme nous l'avons dit à Emain et s'assit dans la chaire du
docteur. Ferchertne entra dans la maison et il dit en voyant Néde :
Qui est ce poète, ce
poète autour de qui est la robe avec sa splendeur?
Il se montrerait après
avoir chanté de la poésie.
A ce que je vois, c'est un
apprenti.
D'herbe est l'arrangement
de sa grande barbe.
A l'endroit de la musique
chantée.
Qui est ce poète, poète
de dispute ?
Je n'ai pas entendu
quelque chose de l'intelligence du fils d'Adnae.
Je n'ai pas entendu
[parler de lui] avec un savoir sûr.
C'est une erreur, par
[mes] lettres, que le siège de Néde.
Voici la réponse honorable
que Néde fit à Ferchertne :
Dixit Néde :
Un ancien, ô mon aîné,
chaque sage est un sage
d'enseignement.
Un sage est le reproche de
tout ignorant.
Tu verrais qu'il sait à
l'avance quel reproche, quelle nature [est en nous]
Bienvenue est même
l'intelligence perçante de la sagesse.
Le défaut d'un jeune
homme est mince si son art n'a pas été bien interrogé.
Suis, maître, [une
démarche plus régulière]
Tu montres mal, tu as mal
montré.
Tu me dispenses très
maigrement l'aliment de la science.
J'ai sucé le suc d'un
homme bon, riche en trésors.
Dixit Ferchertne :
Respondit Néde
Ce n'est pas difficile :
Du talon d'un sage,
d'un confluent de sagesse,
de perfections de bonté,
du brillant du soleil
levant,
des noisetiers de l'art
poétique,
de circuits de splendeur,
par lesquels on mesure le
vrai selon l'excellence,
par lesquels on apprend la
vérité,
dans lesquels est placé
le mensonge,
par lesquels on voit les
couleurs,
par lesquels les poèmes
sont renouvelés.
Et toi, ô mon aîné,
d'où es-tu venu ?
Respondit Ferchertne :
Ce n'est pas difficile :
le long des colonnes de l'âge,
le long des fleuves du
Leinster,
le long de la colline
magique de la femme de Nechtan,
le long de l'avant-bras de
la femme de Nuada,
le long du pays du soleil,
le long de la demeure de
la lune,
le long du cordon
ombilical du jeune homme.
Une question, ô garçon
d'enseignement, quel est ton nom ?
Néde respondit :
Ce n'est pas difficile :
très petit, très grand, très dur, très brillant.
Ardeur du feu,
Feu de paroles,
Bruit de connaissance,
Source de richesse,
Epée de chant.
Art direct, avec
l'amertume du feu.
Et toi, ô mon aîné,
quel est ton nom ?
Respondit Ferchertne :
Ce n'est pas difficile :
le plus proche des présages,
le héros qui explique,
qui dit, qui interroge.
Recherche de science.
Trame d'art.
Panier de poésie.
Abondance venant de la
mer.
Une question, ô garçon
d'enseignement, quel art, pratiques-tu ?
Respondit Néde :
Ce n'est pas difficile :
faisant rougir le visage,
perçant la chair,
colorant la pudeur,
frappant l'impudence,
nourrissant la poésie,
recherchant la renommée,
courtisant la science
ayant un art pour chaque
bouche,
diffusant le savoir,
dépouillant la parole,
dans une petite chambre,
le bétail d'un sage,
un fleuve de science,
abondance d'enseignement,
délices de rois, récits
limpides.
Et toi, ô mon aîné,
quel art pratiques-tu ?
Respondit Ferchertne :
Ce n'est pas difficile :
la chasse à l'aide,
établir la paix,
ordonner une troupe,
tribulations de jeunes
hommes,
célébration de l'art,
une couverture avec un
roi,
…?… la Boyne,
briamon smethrach,
le bouclier d'Athirne,
une part de nouvelle
sagesse venant du fleuve de science,
colère de l'inspiration,
structure d'intelligence,
art des petits poèmes
arrangement clair
récits rouges,
un chemin glorifié,
une perle dans le siège,
secourant la science après
un poème.
Dixit Ferchertne :
Une question, ô garçon
d'enseignement, qu'as-tu entrepris ?
Respondit Néde :
Ce n'est pas difficile :
[aller] dans la plaine de l'âge,
dans la montagne de la
jeunesse
à la poursuite de l'âge,
à la suite d'un roi,
dans une demeure d'argile,
entre la chandelle et sa
tête,
entre la bataille et son
horreur,
parmi les hommes forts de
Tethra,
parmi les stations …?…,
parmi des fleuves de
connaissances.
Et toi, ô mon aîné,
qu'as-tu entrepris ?
Respondit Ferchertne :
Ce n'est pas difficile :
[aller] dans la montagne du rang,
dans la communion du
savoir,
dans les contrées des
hommes de la connaissance,
dans le sein de la
révision poétique,
dans l'estuaire des
générosités,
à l'assemblée du verrat
du roi,
dans le peu de respect
d'hommes nouveaux
sur la pente de la mort,
là où il y a abondance de grands honneurs.
Une question, ô garçon
d'enseignement, par quelle route es-tu allé ?
Respondit Néde :
Ce n'est pas difficile :
sur la plaine blanche du savoir,
sur la barbe d'un roi,
sur la forêt de l'âge,
sur le dos du bœuf de la
charrue,
sur la clarté de la lune
d'été,
sur de bons fromages,
sur la rosée d'une
déesse,
par la rareté du blé,
sur un gué de peur,
sur les hanches d'un bon
logis.
Et toi, ô mon aîné, par
quelles routes es-tu allé ?
Respondit Ferchertne :
Ce n'est pas difficile :
sur l'aiguillon de Lug,
sur les seins de femmes
douces,
sur la chevelure d'un
bois,
sur la tête d'une lance,
sur une tunique d'argent,
sur un châssis de char
sans fond,
sur un fond sans char,
sur les trois ignorances
du Fils du Jeune.
Une question, ô garçon
d'enseignement, de qui es-tu le fils ?
Respondit Néde :
Ce n'est pas difficile :
fils de Poésie
Poésie, fille d'Examen,
Examen, fils de
Méditation,
Méditation, fille de
Grand Savoir,
Grand Savoir, fils de
Recherche
Recherche, fille
d'Investigation,
Investigation, fille de
Grand Savoir,
Grand Savoir, fils de
Grand Bon Sens
Grand Bon Sens, fils de
Compréhension
Compréhension, fille de
Sagesse,
Sagesse, fille des trois
dieux de Dana.
Et toi, ô mon aîné, de
qui es-tu le fils ?
Respondit Ferchertne :
Ce n'est pas difficile :
je suis fils de l'homme qui a été et qui n'est pas né,
qui a été enseveli dans
le sein de sa mère,
qui a été baptisé après
sa mort,
qui a été lié à la
mort dès sa première apparence,
[qui est] la première
parole de tout être vivant,
le cri de tout être mort,
le A (Ailm) dont le nom
est très élevé.
Une question, ô garçon
d'enseignement, as-tu des nouvelles ?
Respondit Néde :
Il y a, en vérité, de
bonnes nouvelles,
mer fertile,
côte grouillante,
les bois sourient,
fuite de feuilles,
les arbres fruitiers
prospèrent,
croissance des champs de
blé,
de nombreux essaims
d'abeilles,
un monde radieux,
une paix heureuse,
un été aimable,
des troupes payées,
des rois pleins de soleil,
une sagesse merveilleuse
des batailles s'éloignent,
chacun a son art propre,
des hommes de valeur,
couture pour femmes,
[…?…]
des trésors rient,
pleine valeur,
plénitude de chaque art,
tout homme de bien est
beau,
toute nouvelle est bonne,
bonnes nouvelles.
Et toi, ô mon aîné,
as-tu des nouvelles ?
Respondit Ferchertne :
Ce sont en vérité de
terribles nouvelles : ce sera un mauvais temps qui durera longtemps,
pendant lequel les chefs seront nombreux,
pendant lequel les
honneurs seront rares ; les vivants anéantiront les bons jugements.
Le bétail du monde sera
stérile.
Les hommes rejetteront la
pudeur.
Les champions des grands
seigneurs s'en iront.
Les hommes seront mauvais.
Les rois seront rares. Les usurpateurs seront nombreux.
Les disgrâces seront
légions. Chaque homme sera disgrâcié.
Les chars périront après
la course.
Des ennemis épuiseront la
plaine de Niall.
La vérité ne garantira
plus l'excellence.
Les sentinelles autour des
églises seront battues.
Tout art sera
bouffonnerie.
Tout mensonge sera choisi.
Chacun sortira de son
propre état avec orgueil et arrogance, si bien que ni le rang, ni
l'âge, ni l'honneur, ni la dignité, ni l'art [poétique], ni
l'instruction ne seront respectés.
On brisera quiconque est
intelligent.
Chaque roi sera pauvre.
Tout ce qui est noble sera
méprisé, tout ce qui est servile sera élevé, si bien que ni dieu
ni homme ne seront adorés.
Les nobles périront
devant les usurpateurs par l'oppression des hommes aux lances
noires.
La foi sera détruite.
Les sacrifices seront
troublés.
Les seuils [des églises]
seront écroulés.
Les cellules seront
minées.
Les églises seront
brûlées.
Les cuisines seront
dévastées par avarice.
L'inhospitalité détruira
les fleurs.
Les fruits tomberont par
les mauvais jugements.
Le sentier de chacun
périra.
Des chiens infligeront des
blessures aux corps si bien que chacun […?…] contre sa suite par
noirceur, rancœur et mesquinerie.
Il y aura un refuge pour
la rancœur et la mesquinerie à la fin du dernier monde.
Il y aura de nombreuses
discussions avec les gens d'art.
Chacun s'achètera un
satiriste pour satiriser à son profit.
Chacun imposera une limite
à l'autre.
La trahison s'aventurera
sur chaque colline, si bien que ne protégeront ni lit ni serment.
Chacun blessera son
voisin, si bien que chaque frère trahira l'autre.
Chacun frappera son
compagnon de boisson et de repas, si bien qu'il n'y aura ni vérité
ni honneur ni âme.
Les avares se dessécheront
mutuellement.
Les usurpateurs se
satiriseront l'un l'autre avec des tempêtes de noirceur.
Les grades seront
renversés ; la cléricature sera oubliée ; les sages seront
méprisés.
La musique se tournera en
grossièreté.
La qualité guerrière se
tournera en cellules et en cléricature.
La sagesse sera changée
en faux jugements.
La loi du seigneur se
tournera contre l'Église.
Le mal passera dans la
pointe des crosses.
Tout mariage deviendra
adultère.
Un grand orgueil et un
grand libre arbitre seront dans les fils de paysans et de vauriens.
Une grande avarice, une
grande inhospitalité et une grande mesquinerie seront chez les
tenanciers si bien que leurs arts [poétiques] seront noirs.
Le grand art de la
broderie passera chez les fous et les prostituées si bien que l'on
attendra des vêtements sans couleur.
Des jugements faux
passeront chez les rois et les seigneurs.
L'ingratitude et la
méchanceté viendront dans chaque esprit, si bien que le serviteur
et la servante ne serviront plus leurs maîtres, que ni roi ni
seigneur n'entendront plus les prières de leurs cantons, ni leurs
jugements ; que les intendants n'écouteront plus les moines ni
leurs gens et qu'ils ne paieront plus de composition au seigneur
pour ce qui lui est dû ; que le bénéficiaire ecclésiastique ne
servira plus de son bien son église et son abbé régulier ; que la
femme ne supportera plus la parole de son mari au-dessus d'elle ;
que les fils et les filles ne serviront plus leurs pères et leurs
mères ; que les étudiants ne se lèveront plus devant leurs
professeurs.
Chacun tournera son art en
mauvais enseignement et en fausse intelligence pour essayer de
dépasser son maître, si bien que le plus jeune trouvera bon d'être
assis avec son aîné debout à côté de lui ; il n'y aura plus de
honte pour le roi ou pour le seigneur à aller boire et manger avec
le compagnon qui le sert, ou en présence de sa suite ou de la
compagnie qui viendra avec lui ; il n'y aura plus de honte pour un
fermier d'aller manger après avoir fermé sa maison à un homme
d'art qui a vendu son honneur et son âme pour un manteau et de la
nourriture ; chacun se tournera contre son compagnon en mangeant et
en buvant en particulier ; l'envie remplira chaque homme ; l'homme
fier vendra son honneur et son âme pour le prix d'un scrupule.
La modestie sera rejetée
; le peuple sera bafoué ; les seigneurs seront anéantis ; les
rangs seront méprisés ; le dimanche sera déshonoré. Les lettres
seront oubliées ; les poètes seront anéantis.
La vérité sera abolie ;
de faux jugements apparaîtront chez les usurpateurs du dernier
monde ; les fruits seront brûlés après leur apparition par une
foule d'étrangers et de gens de rien.
Il y aura une trop grande
foule dans chaque pays.
Les pays s'étendront dans
la montagne.
Chaque forêt sera une
grande plaine. Chaque plaine sera une grande forêt.
Chacun deviendra esclave
avec toute sa famille.
Après cela, il viendra de
nombreuses et cruelles maladies, des tempêtes subites et
effroyables, des éclairs avec des fracas d'arbres.
L'hiver aura des feuilles
; l'été sera sombre ; l'automne sera sans moisson, le printemps
sera sans fleur.
Il y aura mortalité avec
famine.
Maladies sur les troupeaux
; vertige, consomption, hydropisie, peste, enflure, fièvre.
Trouvailles sans profit,
cachettes sans trésors, biens sans hommes.
Extinction des champions,
manque de blé,
parjures.
Jugements de colère,
une mort de trois jours et
de trois nuits pour les deux tiers des hommes,
un tiers de ces plaies sur
les bêtes des mers et des forêts.
Il viendra après cela
sept années de lamentation,
les fleurs périront,
dans chaque maison il y
aura des lamentations,
des étrangers ravageront
la plaine d'Irlande,
les hommes serviront des
hommes.
Il y aura un combat autour
de Cnamchaill.
De beaux bègues seront
tués,
des filles concevront pour
leurs pères,
des batailles seront
livrées autour d'endroits célèbres.
Il y aura la désolation
autour des hauteurs de l'île des Prairies.
La mer envahira chaque
terre avec les résidences de la Terre de Promesse.
L'Irlande sera abandonnée
sept ans avant le Jugement.
Il y aura deuil après les
massacres.
Après cela viendront les
signes de la naissance de l'Antéchrist,
des monstres seront
engendrés dans chaque canton,
les étangs se tourneront
contre les fleuves,
le crottin de cheval aura
la couleur de l'or,
l'eau prendra la goût du
vin,
les montagnes deviendront
des pays parfaits, les tourbières deviendront des champs fleuris,
des essaims d'abeilles
seront brûlés dans les montagnes,
les flots de la mer sur la
plage seront retardés d'un jour à l'autre.
Il viendra après cela
sept années sombres.
Elles cacheront les
lumières du ciel,
au trépas du monde elles
iront en présence du Jugement.
Ce sera le Jugement, ô
fils ; grandes nouvelles, nouvelles effrayantes, un mauvais temps.
Dixit Ferchertne :
Une question, sais-tu, ô
petit, grand, ô fils d'Adna, qui est au-dessus de toi ?
Respondit Néde :
Ce n'est pas difficile. Je
connais mon Dieu créateur.
Je connais mon prophète
le plus sage.
Je connais mon noisetier
de poésie.
Je connais mon Dieu fort.
Je connais le grand poète
et devin Ferchertne.
Le garçon s'agenouilla
alors devant lui. Puis Néde jeta à Ferchertne la robe de poète,
qu'il ôta, et il se leva du siège de poète, où il était, pour se
jeter aux pieds de Ferchertne. Et Ferchertne dit :
Dixit Ferchertne :
Reste, ô petit, grand,
fils d'Adna, reste ô grand poète de connaissance, ô fils d'Adna !
Que tu sois magnifié et
glorifié !
Que tu sois célèbre et
puissant dans l'opinion de l'homme et de Dieu.
Que tu sois un panier de
poésie.
Que tu sois le bras d'un
roi.
Que tu sois un roc de
docteurs.
Que tu sois la gloire
d'Emain. Que tu sois plus haut que tous.
Dixit Néde :
Que tu sois toi-même sous
le même titre, un arbre à une seule souche. Il est en même temps
un mâle sans destruction,
un panier de poésie.
L'expression d'une
nouvelle sagesse. Il est l'intelligence des gens parfaits, le père
avec le fils, le fils avec le père.
Les trois pères dont il
est question en lisant : le père de l'âge, le père corporel, le
père d'enseignement.
Mon père par la chair ne
reste pas.
Mon tuteur d'enseignement
n'est pas en présence.
C'est toi qui es mon père
selon l'âge.
C'est toi que je reconnais
comme tel. Que tu sois toi-même.
FINIT. AMEN.