mercredi 26 août 2015

Imâm et Graal



« L’idée shî’ite de la walâyat correspond, sous un de ses aspects, à l’idée de la « communion des saints » dans le christianisme. L’affiliation à ce corps mystique ne suppose ni rituel ni cérémonial d’initiation. C’est le « candidat » qui, en fait, s’engage lui-même, comme jadis l’on s’engageait dans la quête du Graal, ou comme le pèlerin Adam, formulant et renouvelant son engagement à l’« Ange », secret de la Pierre Noire qu’il portait avec lui. La réalité du pèlerinage du cœur s’accomplit dans l’invisible qui est le malakût. Ses effets fructifient dans la formation du jism mithâlî, le corps imaginal, et c’est l’ensemble de tous les « corps de lumière » qui forment l’invisible sodalité. Celle-ci a bien une forme, voire une organisation et une structure, mais tout cela dans le malakût : les membres de la hiérarchie ésotérique dont parle la théosophie shî’ite, ne sont connus que de Dieu seul. Et de même que c’est de cette Église invisible, Ecclesia spiritualis, qu’il a été dit que « les puissances de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle », de même Qâzî Sa’îd nous a rappelé la parole de l’Imâm Rezâ déclarant que « la Religion divine ne périrait pas, tant que durerait le Temple de la Ka’aba », parole visant le Temple immatériel de la foi, qui a pour garant et gardien le douzième Imâm, l’Imâm caché. Gardien de ce Temple, il est caché aux yeux des hommes, comme l’est le saint Graal, depuis la disparition de celui-ci en la cité spirituelle de « Sarras », c’est-à-dire à la limite du malakût et de notre monde. Et la raison qui de part et d’autre, nous est donnée de cette occultation, est la même. Les hommes n’étaient plus dignes ni capables de voir le Graal, de même qu’ils sont devenus indignes et incapables de voir l’Imâm. De part et d’autre, nous sommes invités à méditer une même occultation pesant sur la situation actuelle de notre monde. »



Henry Corbin (in Temple et Contemplation)




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