AUJOURD'HUI, 1er novembre, c'est la
fête de la Toussaint, la fête chrétienne de tous les Saints.
Plus exactement, il s'agit d'une fête
catholique romaine, instituée au 8° siècle. Elle ne provient pas
de l'enseignement du Christ, évidemment. L’Église orientale fête
les Saints le dimanche après la Pentecôte – ce qui est
doctrinalement logique, puisque la Pentecôte c'est la descente de
l'Esprit saint sur les apôtres du Christ, qui deviennent alors les
premiers vrais saints : le processus est achevé.
Alors, pourquoi le 1er novembre en
Occident ?
C'est que la moitié occidentale latine
de l'empire romain est tout autant celtique que romaine. Les Gaulois
ont autant celtisé Rome, que Rome a romanisé la Gaule.
Or, le 1er novembre est la date de la
principale fête religieuse celtique. On connaît son existence dans
le calendrier gaulois de Coligny, sous le nom de Samonios. Et on
connaît son contenu dans les mythes irlandais, où elle se nomme
Samain (vieil-irlandais), Samhain (moyen-irlandais) ou Samhuin
(gaélique d’Écosse).
Il s'agit du premier jour de l'année
calendaire. Pour les Celtes, le temps est divisé en deux moitiés,
la première sombre, la seconde claire. Ils faisaient commencer la
journée à la tombée de la nuit. De même, l'année commençait au
début de la saison sombre.
La fête de Samain durait en réalité
une semaine : trois jours avant, et trois jours après. Cette
période est une parenthèse dans le déroulement du temps : il
n'y a plus de temps, ou plus exactement nous ne sommes plus dans le
temps ordinaire – tout comme le sanctuaire, le temple, est un
espace où s'abolit l'espace. Ainsi, à Samain, le temps aboli permet
la communication entre les mondes. L'autre monde, l'Outremonde des
dieux et des morts se manifeste dans ce monde-ci, et les héros de ce
monde-ci sont susceptibles de se rendre en Outremonde et d'y
conquérir l'immortalité. Beaucoup d'événements mythiques ont donc
logiquement lieu à Samain.
Malgré la romanisation et la
christianisation, tous les pays celtiques, ou anciennement celtiques
– c'est-à-dire tout l'occident romain, Espagne, nord de l'Italie,
Grande-Bretagne comprises – ont continué de considérer cette date
comme un moment où les morts, les dieux et les héros sont présents,
pénètrent notre monde. Or, en chrétienté, les plus grands héros
sont les saints : il est donc normal de célébrer tous les
saints en ce jour sacré – que ces saints soient historiques, comme
Patrick, Pierre, Jean ou André, ou qu'ils soient les héritiers des
anges et des dieux, comme sainte Brigitte, saint Michel, assimilé au
Mercure gaulois : Lug.
Mais l'autre monde est aussi celui de
nos morts. En 998, Odilon abbé de Cluny en Bourgogne institue un
jour de commémoration pour les morts, le 2 novembre. Aujourd'hui,
ces deux fêtes n'en font toujours qu'une dans l'esprit des
catholiques, et c'est à la Toussaint que nous allons fleurir nos
tombes.
Joie de la sainteté, tristesse de la
mort, sont les deux faces de notre destin : nous sommes tous
appelés à mourir, mais notre vraie nature, c'est la Vie !
Joyeuse Toussaint !
PS : En Irlande, Samhain s'est
perpétuée parallèlement à la Toussaint/Fête des morts, et la
communauté irlandaise des États-Unis d'Amérique en a fait ce que
nous appelons Hallowe'en : un folklore où sorcières et
fantômes hantent les vivants. Certes, la dérive commerciale de
cette fête est indéniable, et la noblesse du mythe disparaît
derrière les costumes en plastique et les bonbons chimiques. Mais
cette dérive n'atteint-elle pas toute notre civilisation et toutes
nos fêtes, à commencer par Noël ?
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