dimanche 30 mars 2014

Châteaux « cathares »

Quéribus

Les offices de tourisme de l'Aude, de l'Ariège et de toute cette région prospèrent autour des magnifiques châteaux qui la parsèment, les fameux « châteaux cathares ». Montségur, Puylaurens, Quéribus, Termes, Puivert, Peyrepertuse, Arcques, sont encore aujourd'hui des sites merveilleux, où le Moyen Âge semble si présent qu'on s'y croirait. C'est pourquoi ils attirent nombre de touristes, qui y trouvent sans doute leur compte.

Parmi ces touristes, une bonne proportion y vient avec l'espoir d'y découvrir les « mystères » des Cathares, ces étranges hérétiques écrasés au XIII° siècle par les armées du Roi de France, lancées par l’Église romaine, puis pourchassés et brûlés par l'Inquisition. De nombreuses légendes courent sur ces cathares et leurs châteaux : ils auraient été détenteurs de secrets gênants pour l’Église, du trésor des templiers, voire même du Saint Graal ayant contenu le sang du Christ. Déjà le III° Reich y avait envoyé avant-guerre Otto Rahn, un archéologue SS qui pensait y découvrir le Graal, « symbole païen » (1). Antonin Gadal (1877-1962), qui avait rencontré Otto Rahn, transmit ses fantasmes à la Rose-Croix d'Or néerlandaise, de Jan van Rickenborgh et Catharose de Petri, qui s'en revendique aujourd'hui encore.

Depuis, des générations d'allumés (je n'ai pas dit : illuminés) se succèdent sur les lieux, célèbrent des « solstices cathares » à Montségur, espèrent survivre à la fin du monde à Bugarach, ou vont soigner leurs rhumatismes aux ondes telluriques cathares. Tout ceci est très bénéfique... pour l'industrie touristique locale. Mais spirituellement parlant, on est loin du compte.

Rappelons quelques vérités :

Les Cathares n'ont jamais construit de châteaux. Des seigneurs cathares ou sympathisants en ont occupé quelques uns, mais ceux-ci ont tous été rasés pendant ou après la Croisade contre les Albigeois (1208-1229), et les ruines qu'on peut visiter à Montségur ou ailleurs sont toutes celles de châteaux postérieurs, construits par les fidèles du roi de France, c'est-à-dire les ennemis des Cathares.

Le Catharisme n'est pas une secte mystérieuse, spécifique au Languedoc, détentrice de fabuleux secrets, ni du Graal, mais un courant chrétien, né vraisemblablement en Anatolie, répandus dans les Balkans puis en Rhénanie, dans les Flandres, puis en Champagne, sur les bords de la Loire et dans le midi de la France et le nord de l'Italie. Son succès en Languedoc est dû à la relative tolérance de l'aristocratie locale – même catholique. Sa doctrine, proche de certains courants gnostiques des premiers siècles, proclame l’Église de Dieu, composée des saints parfaits. Bien qu'elle comportât une hiérarchie, avec évêques et diacres, elle est une expression de l’Église intérieure. Bien que ne rejetant pas le baptême d'eau, elle affirme, Évangile à l'appui, que le vrai baptême du Christ est le baptême d'Esprit, par imposition des mains – le fameux « consolament » – et que l’Église romaine est apostate, ayant trahi le message du Christ, une église d'oppression et de mensonge.

On le voit, nul besoin de traîner ses rangers du côté de Quéribus pour trouver la Lumière, ni d'hiberner à Bugarach pour être sauvé : la Lumière est en chacun, le pèlerinage est intérieur, les ruines sont celles du Temple que nous devons reconstruire, et tout le reste est idolâtrie.


NOTE :
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Rahn « La thèse d'Otto Rahn consistait pour l'essentiel à assimiler le château de Montségur à Montsalvage, le légendaire château du Graal, pour des raisons étymologiques. »  René Nelli, préface de Croisade contre le Graal.
BIBLIOGRAPHIE (sommaire) :
René NELLI : Le phénomène cathare – perspectives philosophiques et morales. Éditions Privat, 1964
Jean DUVERNOY : Le catharisme – tome I : La Religion des Cathares ; tome II : L'Histoire des Cathares. Bibliothèque historique Privat, 1976-1979
Michel ROQUEBERT : Histoire des Cathares, Editions Perrin, 1999-2002
Anne BRENON : Les Cathares, Albin Michel, 2007 et : Le vrai visage du catharisme, La Louve éditions, 2008


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire