Quéribus |
Les offices de tourisme de l'Aude, de l'Ariège et de toute cette
région prospèrent autour des magnifiques châteaux qui la
parsèment, les fameux « châteaux cathares ». Montségur,
Puylaurens, Quéribus, Termes, Puivert, Peyrepertuse, Arcques, sont
encore aujourd'hui des sites merveilleux, où le Moyen Âge semble si
présent qu'on s'y croirait. C'est pourquoi ils attirent nombre de
touristes, qui y trouvent sans doute leur compte.
Parmi
ces touristes, une bonne proportion y vient avec l'espoir d'y
découvrir les « mystères » des Cathares, ces étranges
hérétiques écrasés au XIII° siècle par les armées du Roi de
France, lancées par l’Église romaine, puis pourchassés et brûlés
par l'Inquisition. De nombreuses légendes courent sur ces cathares
et leurs châteaux : ils auraient été détenteurs de secrets
gênants pour l’Église, du trésor des templiers, voire même du
Saint Graal ayant contenu le sang du Christ. Déjà le III° Reich y
avait envoyé avant-guerre Otto Rahn, un archéologue SS qui pensait
y découvrir le Graal, « symbole païen » (1). Antonin
Gadal (1877-1962), qui avait rencontré Otto Rahn, transmit ses
fantasmes à la Rose-Croix d'Or néerlandaise, de Jan van Rickenborgh
et Catharose de Petri, qui s'en revendique aujourd'hui encore.
Depuis,
des générations d'allumés (je n'ai pas dit : illuminés) se
succèdent sur les lieux, célèbrent des « solstices
cathares » à Montségur, espèrent survivre à la fin du monde
à Bugarach, ou vont soigner leurs rhumatismes aux ondes telluriques
cathares. Tout ceci est très bénéfique... pour l'industrie
touristique locale. Mais spirituellement parlant, on est loin du
compte.
Rappelons
quelques vérités :
Les
Cathares n'ont jamais construit de châteaux. Des seigneurs cathares
ou sympathisants en ont occupé quelques uns, mais ceux-ci ont tous
été rasés pendant ou après la Croisade contre les Albigeois
(1208-1229), et les ruines qu'on peut visiter à Montségur ou
ailleurs sont toutes celles de châteaux postérieurs, construits par
les fidèles du roi de France, c'est-à-dire les ennemis des
Cathares.
Le
Catharisme n'est pas une secte mystérieuse, spécifique
au Languedoc, détentrice de fabuleux
secrets, ni du Graal, mais un courant chrétien, né
vraisemblablement en Anatolie, répandus dans les Balkans puis en
Rhénanie, dans les Flandres, puis en Champagne, sur les bords de la
Loire et dans le midi de la France et le nord de l'Italie. Son succès
en Languedoc est dû à la relative tolérance de l'aristocratie
locale – même catholique. Sa doctrine, proche de certains courants
gnostiques des premiers siècles, proclame l’Église de Dieu,
composée des saints parfaits. Bien qu'elle comportât une
hiérarchie, avec évêques et diacres, elle est une expression de
l’Église intérieure. Bien que ne rejetant pas le baptême d'eau,
elle affirme, Évangile à l'appui, que le vrai baptême du Christ
est le baptême d'Esprit, par imposition des mains – le fameux
« consolament » – et que l’Église romaine est
apostate, ayant trahi le message du Christ, une église d'oppression
et de mensonge.
On
le voit, nul besoin de traîner ses rangers du côté de Quéribus
pour trouver la Lumière, ni d'hiberner à Bugarach pour être
sauvé : la Lumière est en chacun, le pèlerinage est
intérieur, les ruines sont celles du Temple que nous devons
reconstruire, et tout le reste est idolâtrie.
NOTE :
(1)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Rahn
« La thèse d'Otto Rahn consistait pour l'essentiel à
assimiler le château
de Montségur à
Montsalvage, le légendaire château du Graal, pour des raisons
étymologiques. » René
Nelli,
préface de Croisade
contre le Graal.
BIBLIOGRAPHIE (sommaire) :
René NELLI : Le phénomène cathare – perspectives philosophiques et morales. Éditions Privat, 1964
Jean DUVERNOY : Le catharisme – tome I : La Religion des Cathares ; tome II : L'Histoire des Cathares. Bibliothèque historique Privat, 1976-1979
Michel ROQUEBERT : Histoire des Cathares, Editions Perrin, 1999-2002
Anne BRENON : Les Cathares, Albin Michel, 2007 et : Le vrai visage du catharisme, La Louve éditions, 2008
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