mercredi 19 février 2014

La Tradition celtique (partie 3 - La société celtique)




La société celtique traditionnelle est typiquement indo-européenne. Elle est même particulièrement archaïque, par rapport aux autres sociétés du continent (latine, grecque, germanique), c'est-à-dire qu'elle présente des traits caractéristiques de la société indo-européenne ancienne telle qu'on a pu la reconstituer. Elle offre d'ailleurs de nombreux points communs avec la société indienne, elle aussi très conservatrice de la tradition indo-européenne.

Cette société se caractérise principalement par la tripartition : elle est ainsi divisée en ce que Georges Dumézil a appelé les trois fonctions : la première fonction, dite sacerdotale, regroupe les détenteurs du savoir et de l'autorité spirituelle, intermédiaires entre les hommes et les dieux, sources de toute légitimité : les druides. Leur principal attribut est la Sagesse. La deuxième fonction rassemble les guerriers, aristocratie de combattants et cavaliers, possesseurs et distributeurs de la richesse, et parmi lesquels se recrutaient les rois, détenteurs du pouvoir temporel. Ils se caractérisent par la Force. Autorité spirituelle et pouvoir temporel forment ensemble la Souveraineté, clé de voûte de la société celtique et objet de nombreux mythes. Le roi Arthur et Merlin l’Enchanteur sont l’une des manifestations de ce couple sacré, jusque dans la littérature médiévale et le cinéma moderne. La troisième fonction, enfin, celle des producteurs, comprend surtout les artisans, extrêmement respectés dans la société celtique, dont l'attribut est la Beauté, ainsi que les possesseurs de bétail (en irlandais : bo aire). Cette société fonctionnait selon des règles très strictes et juridiquement codifiées, sous le contrôle permanent de la classe druidique, qui avait prééminence sur celle des nobles et guerriers. Cette tripartition sociale, plus souvent idéale que réelle, se retrouve dans la doctrine médiévale des trois ordres. Elle est une des grandes idées-forces des civilisations indo-européennes, et s'appuie sur le ternaire fondamental qu'on retrouve aussi dans la tradition maçonnique, par exemple dans l'anthropologie traditionnelle esprit-âme-corps et dans la forme du Temple.

Les druides n’étaient pas seulement des prêtres au sens où on l’entend aujourd’hui. Certes, ils présidaient au sacrifice, et leur qualité sacerdotale est certaine. Mais ils étaient plus globalement les détenteurs de la Connaissance. La poésie et la littérature orale étaient de leur ressort, comme les généalogies royales, le droit et la justice, l’enseignement des jeunes, la médecine, la musique, l’architecture, et la divination. Le mot druide signifie étymologiquement « les Très Savants », mais il y a aussi un jeu de mot entre le nom de l’arbre et celui de la Connaissance, « *-uid ». En effet, pour les Celtes, l’arbre et le bois en général sont des symboles de la Connaissance.

Le roi est l’autre personnage sacré de la Tradition celtique. Ce n’est pas vraiment un dirigeant politique, mais un être exceptionnel, choisi par les dieux – souvent grâce à la victoire sur le champ de bataille. Son intronisation faisait l’objet d’un rituel complexe, au cours duquel il épousait littéralement la Terre, parfois même sexuellement sous la forme d’une jument. Le roi ne possédait pas le pouvoir absolu. Il était soumis à la loi, et faisait l’objet de nombreux interdits et tabous. Il est issu de la classe des guerriers ou nobles, que César appelle equites, « chevaliers ».

Les artisans, enfin, jouissaient d’une haute considération, et les meilleurs d’entre eux possédaient un statut égal aux rois ou aux grands druides.


Cette société était régie par un code légal qui nous est relativement bien connu, en raison de sa longue conservation dans l'Irlande médiévale et moderne, où on l'appelle « droit brehon ». 

(à suivre...)





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