vendredi 21 février 2014

La Tradition celtique (partie 6 - La fin de la Tradition celtique)



La fin de la tradition celtique

Après ce rapide survol des éléments constitutifs de la Tradition celtique, il est intéressant de se demander ce qu’elle est devenue, et quelles traces elle a laissées dans notre civilisation.

La mise en place de l’administration romaine en Gaule après Alésia a détruit la société traditionnelle celtique sans laquelle le druide n'a plus de place. La société romaine privilégie le pouvoir temporel (les consuls patriciens) sur l’autorité spirituelle. La classe sacerdotale druidique n'a pas pu survivre en tant que telle à l'invasion romaine. Certains druides ont pu se réfugier dans les zones les plus désertes de la Gaule, et devenir, après quelques générations, des sortes de sorciers locaux dont le savoir a peu à peu dégénéré en recettes et en sorcellerie. D'autres ont certainement rejoint le monde celtique encore indépendant, celui des îles britanniques. D’ailleurs, les empereurs Claude et Tibère, au 1er siècle, interdisent les druides. Les siècles de paganisme officiel romain ont déjà beaucoup affaibli la tradition gauloise, et quand le christianisme triomphera, le Diable s’appellera Mercure, Jupiter, Apollon, Diane ou Vénus, mais jamais Taranis, Lug, Sucellos ou Brigantia. Les anciens dieux sont déjà oubliés, et le latin s’imposera définitivement sur les restes de la langue gauloise. Les invasions germaniques viendront encore recouvrir tout cela. Mais il reste dans le folklore français des réminiscences qui remontent au fonds populaire celtique, déformé, affaibli par une longue histoire et un changement radical de langue et de mentalité. Les récits des dieux ont parfois été attribués aux saints, les sources et les pierres ont été consacrées, les fêtes ont été réinterprétées. Mais est-ce le paganisme qui a été christianisé, ou est-ce le christianisme qui a été paganisé ? Sans doute un peu des deux.

En Grande-Bretagne, conquise elle aussi par les armées romaines, les druides ont disparu sans postérité. Mais seule la christianisation a été définitive. Les druides se sont effacés devant le clergé chrétien, mais les bardes ont subsisté. Pendant tout le moyen âge, des invasions anglo-saxonnes jusqu'à l'annexion anglaise, des cours princières se sont maintenues en Cornouaille et surtout au Pays de Galles, entretenant une poésie officielle dans une langue galloise savante, et les anciens bardes ont pu, sans perdre leur nom, se convertir et adopter l'usage de l'écriture. En Bretagne armoricaine, « bretonnisée » vers le V° siècle la mythologie ne survit plus que dans le folklore et les contes populaires.



En Irlande, le christianisme a été introduit plus tardivement, vers le milieu du V° siècle, dans un pays qui n’avait pas été romanisé. Saint Patrick convertit d’abord le Haut-Roi d’Irlande et son entourage. Quelques années plus tard, l'Irlande était chrétienne, sans heurts et sans martyrs. Patrick a revu le droit traditionnel pour l’adapter au nouveau dogme, mais a laissé subsister la classe des filid, des poètes issus de la classe druidique, en n’interdisant que ce qui était trop contraire à la foi chrétienne. Les filid ont ainsi transmis jusqu’à nous tout un savoir poétique et symbolique, et tout le corpus mythologique irlandais.

Le christianisme d’Irlande et du Pays de Galles comportera pendant longtemps de nombreux traits celtiques, en particulier l’Ordre des Culdées (« Serviteurs de Dieu »). L’Église romaine mettra plusieurs siècles à le mettre au pas et à imposer son autorité et ses usages.

Au tournant des XI° et XII° siècles, l’Europe connaîtra un engouement pour la « Matière de Bretagne ». Ces récits, qui tournent autour du roi Arthur, de Merlin et de la Quête du Graal, véhiculent de nombreux thèmes celtiques. Ils seront rapidement réinterprétés par les Cisterciens de Bernard de Clairvaux dans un sens mystique très chrétien. Ils gardent une valeur spirituelle et symbolique très forte, qui inspire encore romanciers et cinéastes.

Reste le Néo-Druidisme. En 1717, dans une taverne de Londres, était fondé l’Ordre des Druides par John Toland, un Irlandais proche de la franc-maçonnerie débutante. C’est d’ailleurs la même année que la Grande Loge d’Angleterre avait été fondée, dans les mêmes milieux. De cet Ordre des Druides proviennent toutes les organisations néo-druidiques contemporaines, quand elles ne sont pas de génération spontanée. En 1792, le néo-druide Iolo Morganwg fondait la Gorsedd bardique galloise, d’où sont issus la plupart des groupes néo-druidiques français.
Ces organisations ne peuvent revendiquer aucune filiation directe avec le druidisme antique. Une telle filiation druidique ne peut être qu’idéale, comme celle qui rattache le Rite Écossais Rectifié à l’Ordre du Temple.

La doctrine des organisations néo-druidiques a d’ailleurs beaucoup changé au cours des années, à mesure que les études celtiques et les publications progressaient. On y trouve un peu de tout, du sectarisme d’extrême-droite au prophétisme New Age féministe et écologiste, mais aussi des chercheurs sincères et sérieux, parfois proches de la franc-maçonnerie.




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