mardi 18 février 2014

La Tradition celtique (partie 2 - Les sources)



L'Âme celtique, c'est sa religion. Les Celtes ne partagent pas seulement une langue, mais aussi une culture, une civilisation, une vision du monde, du sacré, de la Souveraineté politique, et de la société. Bien sûr, cette culture a varié selon les lieux et les époques, en raison des substrats pré-celtiques différents, d’influences diverses et de l’évolution propre à chaque communauté celtique. En Gaule, par exemple, les conceptions romaines avaient pénétré bien avant les légions de César, et Vercingétorix était vraisemblablement membre d’une faction traditionaliste proche des druides. Mais nous possédons assez de documents pour connaître les conceptions traditionnelles celtiques.

Les sources de nos connaissances sont de quatre ordres :

D’une part, les données fournies par l’archéologie. Celles-ci sont de plus en plus nombreuses et précises, et elles viennent parfois remettre en question nos idées reçues sur les Celtes, surtout dans le domaine matériel, mais aussi sur les rites et les pratiques religieuses. Sur cet aspect, je ne peux que conseiller à tousde visiter le Musée Européen de la Civilisation Celtique, situé au pied du mont Beuvray, dans le Morvan. Contrairement aux civilisations méditerranéennes (Égypte, Grèce, Rome...), l'architecture celtique n'est pas principalement basée sur la pierre, mais sur le bois. Mais là où elle excelle, c'est dans la métallurgie : armes, bijoux, monnaies, sont d'un haut niveau technique, et servent de support à des représentations symboliques riches et variées.

Les auteurs classiques, grecs et latins, ont beaucoup écrit sur les Celtes. De Pline à César, en passant par Diodore de Sicile, Plutarque et Tite Live, de nombreuses descriptions géographiques, récits historiques, anecdotes et comptes-rendus de voyage nous sont parvenus. Bien sûr, il faut faire la part de l’interprétation grecque ou romaine, mais certaines indications sont très importantes pour notre connaissance de la tradition celtique.



Les textes irlandais nous sont encore plus précieux. L’Irlande offre en effet la particularité, je l’ai dit, de n’avoir jamais été romanisée. La société traditionnelle s'y est maintenue intacte jusqu'à l'arrivée de saint Patrick, au V° siècle. A la christianisation, beaucoup de membres de la classe intellectuelle des druides se sont convertis à la nouvelle foi, et ont certainement constitué les cadres de l'Église chrétienne. Ils ont cherché ensuite, non pas à faire table rase des anciennes traditions, mais à les adapter à la nouvelle. Ce qui choquait trop la foi chrétienne fut interdit, mais des pans entiers des vieilles croyances furent superficiellement christianisés, de manière à conjuguer la " Loi de Nature " aux récits bibliques, comme l'Ancien Testament annonce l'Évangile. Dès le VII° siècle, et peut-être avant, les vieux récits ont été mis par écrit, principalement par des moines. Ils ont également été transmis oralement par les poètes (en gaélique : filid), qui étaient les héritiers d’une catégorie de druides spécialisés, et autorisés par saint Patrick à transmettre leur savoir traditionnel. La littérature irlandaise comprend des dizaines de récits mythiques ou épiques, des manuels de poésie, des annales historiques remplies d’anciens mythes, des manuels de droit traditionnel. Elle a été peu étudiée, à cause de la difficulté à traduire l’irlandais médiéval, mais elle sort peu à peu de l’ombre grâce au travail de quelques passionnés, surtout dans le monde anglophone.

La littérature galloise et arthurienne, enfin, présente aussi un grand intérêt. Bien qu’elle soit beaucoup plus christianisée que la littérature irlandaise, elle présente de nombreux aspects mythiques d’origine celtique. C’est le cas des Mabinogion, sorte de contes merveilleux gallois, mais aussi du cycle arthurien, passé en France au XII° siècle avec Chrétien de Troyes puis répandu dans toute l’Europe médiévale. La littérature arthurienne fait le lien avec la tradition chrétienne, et les symboles celtiques fondamentaux sont réinterprétés à la lumière de la foi chrétienne.

Nos quatre sources, archéologie, textes gréco-latins, textes irlandais et littérature galloise et arthurienne, nous permettent de nous faire une idée assez riche de la tradition celtique, même si des aspects entiers nous manquent et nous manqueront sans doute toujours, comme par exemple le détail des rites religieux ou initiatiques, et les conceptions métaphysiques exactes des druides.


(à suivre...)




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