Même
si revendiquer le titre de « druide » est à mes yeux
fantaisiste aujourd'hui, en l'absence de toute filiation réelle, et parce que la société celtique traditionnelle a disparu, il
reste que la tradition celtique possède une valeur symbolique et
spirituelle immense, et qu'elle peut, à mon avis, nourrir une
spiritualité authentique. Encore faut-il étudier sérieusement les
sources authentiques, les textes irlandais et gallois, s'en imprégner
et les méditer en profondeur, et avoir conscience de son
universalité et de sa parenté avec les autres formes de
spiritualités, afin de ne pas en faire une nouvelle idolâtrie
identitaire. La tradition celtique peut, à mon sens, nourrir une
spiritualité moderne. C'est l'Esprit
de cette tradition.
Dans
la franc-maçonnerie du Rite Écossais Rectifié, le schéma fondamental est celui du
Temple. Temple universel, qui est l'Univers ; Temple
particulier, qui est l'Homme ; et, entre les deux, Temple
général, dont le type de base est le Temple de Salomon et la Loge.
C'est sur les correspondances entre ces trois niveaux du Temple que
joue ce Rite pour faire progresser le franc-maçon sur le chemin de
l'initiation.
Si
le modèle spirituel de la tradition judéo-chrétienne est ainsi le
Temple de Salomon, paradigme de tout culte vrai, celui de la
tradition celtique réside dans l'organisation géographique sacrée
du monde celtique. Pour employer encore une fois le langage
martinésien, le « temple général » est constitué par
la terre celtique, partagée en royaumes orientés autour du centre
sacré, synthèse de tout l'espace, où se réunit ce qui est épars.
Les
Celtes possédaient des sanctuaires et des enclos sacrés, où se
déroulaient des cérémonies. Ils étaient généralement situés
dans des lieux déserts, et notamment dans la forêt, lieu sauvage où
les hommes rencontraient le monde des dieux. Mais dans le cadre
celtique, c'est la nation, le royaume, qui jouait le rôle de Temple
général. L'Irlande, par exemple, est divisée en quatre provinces
auxquelles on attribue quatre « qualités » (à l'ouest
la connaissance, au nord la guerre, à l'est la richesse, au sud la
musique), plus une province centrale qui est constituée d'un morceau
de chacune des quatre, et où se trouvent les grands sanctuaires. Ce
schéma rituel se retrouve dans la Gaule antique, avec le « locus
consecratus » situé chez les Carnutes, au centre de la Gaule,
selon César.
Les
mythes racontent les aventures des dieux et des hommes susceptibles
de les rencontrer dans le monde intermédiaire, le monde imaginal du
Sid.
En Gaule, une des fonctions druidiques s'appelait « gutuater »,
ce qui pourrait signifier « père de la parole ». C'est
par la maitrise de la parole et de la poésie que les druides et
leurs héritiers de l'Irlande chrétienne, les filid,
progressaient dans la hiérarchie spirituelle, dont nous connaissons
les 7 ou 9 degrés. La récitation des mythes et des récits
traditionnels et leur transmission fidèle, est une fonction
fondamentale, qui opère la transformation intérieure de ceux qui
récitent comme de ceux qui écoutent.
Dans
la partie britonnique du monde celtique, c'est-à-dire principalement
au Pays-de-Galles et en Bretagne, cette fonction est assurée par les
bardes. Les concours de poésie bardique ont lieu au Pays-de-Galles
depuis le Moyen-Âge jusqu'à nos jours. C'est d'ailleurs dans ce
milieu que le Gallois Iolo Morganwg constituera en 1792 son ordre
néo-druidique, la Gorsedd, qui existe encore aujourd'hui.
Cette
fonction initiatique des récits gallois et bretons sera reprise
après l'an mil par les poètes, dans la « Matière de
Bretagne » : Arthur, Merlin, les chevaliers de la Table
Ronde et surtout la Quête du saint Graal rattachent la tradition
celtique à notre tradition chrétienne. Les mythes des anciens
druides se fondent dans le mythe chrétien, le chaudron d'abondance
devient coupe de la Cène, le breuvage d'immortalité devient sang du
Christ et la lance du dieu Lug, celle du soldat Longin.
L'universalité de l'Un sans forme, derrière toutes les formes,
permet cette transposition d'une tradition à une autre, parce que
toutes les traditions authentiques se rejoignent dans leur centre qui
est unique.
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