L'écriture ogamique, inventée par le dieu-lieur Ogma |
Les
Celtes n'ont jamais fait usage de l'écriture
pour la transmission à la postérité d'un savoir quelconque. Ils ne
l’ignoraient pas, mais la fixation dans la matière d'une formule
ou d'un nom, fige pour l'éternité (ou plutôt la perpétuité), rend une malédiction ou une
incantation efficace aussi longtemps que dure le support sur lequel
elle est gravée. En Irlande, l’écriture ogamique, faite de traits
gravés dans le bois ou la pierre, était une application pratique de
la magie, et cette écriture était une invention du dieu-lieur,
Ogma. C’est cette non-utilisation de l’écriture, adjointe à la
non-utilisation de la pierre dans l’architecture, qui a le plus
contribué à l’ignorance des modernes sur les Celtes. Seule
l’Irlande, grâce à la christianisation directe – sans passer
par la case romaine – mettra par écrit sa Tradition
pré-chrétienne. C’est ce qui la rend si intéressante à mes
yeux.
Tous
les témoins antiques affirment que les Celtes croyaient en
l'immortalité de
l'âme. On
ignore cependant les conceptions exactes des druides à ce sujet. Un
seul texte latin fait mention de la réincarnation, il est à prendre
avec des pincettes.
Nous
n'avons comme descriptions de l'Autre
Monde que celles
des textes irlandais et gallois, fortement christianisés. Le Síd ou Sidhe (qui signifie "Paix") est un monde parallèle au nôtre,
qui, tout en étant différent ou lointain, s'y superpose ou le
baigne, et dans lequel les êtres élus ou appelés peuvent pénétrer
à tout moment. Il est localisé
par-delà la
mer, à l'ouest, dans des îles fortunées qu'on ne peut atteindre
que par un voyage maritime, sous la mer ou au fond des lacs, ou dans
des collines et sous des tertres.
Ses habitants sont, par définition, des dieux ou des héros
divinisés. Les êtres humains qui y pénètrent changent d'état et
de condition. L'Autre Monde est éternel et inchangé, et il n'est
pas limité par les dimensions spatiales et temporelles. Il s'agit à
l'évidence du monde « imaginal » dont je parlais plus
haut, monde psychique ou céleste, intermédiaire entre notre monde
sensible et le monde « intelligible » ou « surcéleste »,
pour employer le vocabulaire de Martinès de Pasqually. En lui se
déroulent les histoires sacrées du mythe.
Newgrange, dans le centre de l'Irlande. Ce monument mégalithique préceltique était considéré comme une porte d'entrée vers le Sidhe |
Le
temps
traditionnel
celtique est à l'image des cosmologies divines. Ce monde-ci est une
image de l'Autre Monde. Parfois, le monde vraiment réel
(c'est-à-dire l'Autre Monde) fait irruption dans le monde humain. Il
y a contact entre le temps profane et le temps sacré. Le "temps
sacré" couvre une période bien délimitée, concentrée, et
équivaut à toute l'année, à vingt-quatre heures, ou à
l'éternité. Il a lieu principalement à Samain, l’une des quatre
grandes fêtes, située au 1er
novembre. Point de contact entre notre monde et le monde des dieux et
des morts, elle est à l’origine de notre fête de la Toussaint, et
de celle d’Halloween (passée entre temps à la moulinette
consumériste américaine). Samain est le début de la moitié sombre
de l’année. Elle est marquée par de grands festins qui imitent
ceux de l'Autre Monde. Au début de la saison claire, le 1er
mai, Beltaine est la fête de Lug sous son aspect de lumière. C'est
la date des grandes assemblées druidiques, et on y allumait de
grands feux cérémoniels. Notre folklore de mai et de la Saint-Jean
d’Eté en est largement inspiré. Au 1er
août a lieu Lugnasad, l’« Assemblée de Lug ». C'est
la fête de Lug sous son aspect royal, la fête du roi distributeur
de richesses et régulateur, marquée par des jeux, des concours, des
courses et des assemblées légales et juridiques. Enfin, le 1er
février, Imbolc est la fête de la troisième fonction. Elle a été
remplacée dans le folklore par la fête chrétienne de sainte
Brigitte, et par la Chandeleur.
Comme
le temps, l’espace
est également à l’image de la cosmologie. Les Celtes pratiquaient
une orientation sacrée. Le Nord est à gauche, et le Sud à droite.
Le soleil allant de l'est à l'ouest reste au sud toute la journée
et c'est la moitié claire du monde : celle des vivants et des dieux
lumineux. Le soleil, allant de l'ouest à l'est pendant la nuit, se
trouve au nord, et c'est la partie réservée à l’Autre Monde, aux
morts, et aux dieux mystérieux et sombres. Les Celtes prenaient
soin, quand ils se déplaçaient dans un mouvement giratoire, de
respecter le sens du soleil.
C'est
pourquoi les Celtes plaçaient dans les Îles au Nord du Monde
l'origine mythique du druidisme. C'est de ces quatre îles, où
habitaient quatre druides, que sont venus les Tuatha Dé Danann.
Le
monde (et donc l’Irlande) est ainsi divisé en quatre
« provinces », plus une province centrale, synthèse et
siège de la Souveraineté.
Le
sanctuaire est considéré comme un centre sacré, équivalent
spatial de la fête dans le temps. Les Celtes n'ont pas eu de temples
au sens classique. Ils ont eu des sanctuaires (nemeton),
bois sacrés, centres initiatiques ou spirituels connus, comme celui
où se réunissaient les druides, chez les Carnutes au centre de la
Gaule, d’après César. Il est possible aussi que le peuple des
Bituriges, qui ont donné leur nom à Bourges et au Berry, aient été
à l’origine les gardiens de la province centrale de Gaule et les
détenteurs de la Souveraineté. Leur nom signifie « roi du
monde ».
On
connaît peu de choses des pratiques rituelles des Celtes. Le
sacrifice humain semble avoir été pratiqué de façon
exceptionnelle. La cueillette du gui, décrite par Pline, est une
partie d’un rituel comprenant le sacrifice d’un taureau et d’un
cheval blanc. Les données archéologiques relatives aux sépultures
et aux restes sacrificiels découverts dans quelques sanctuaires
n'ont jamais été répertoriés et synthétisés de manière
satisfaisante.
Trophée de Ribemont-sur-Ancre - Après une bataille, les têtes coupées reviennent aux vainqueurs. Le reste des corps des vaincus est exposé aux oiseaux puis offert aux divinités. |
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