Le mot Rimé est un mot tibétain
(ris-med) qui signifie « non-sectaire ».
Le mouvement Rimé au Tibet :
Le
bouddhisme a été diffusé au Tibet en deux vagues. La première, au
VII° siècle de notre ère, sous le règne de Songtsen Gampo, qui
épouse deux princesses bouddhistes, une népalaise et une chinoise.
Puis, au siècle suivant, le roi Trisong Detsen (705-755) fait venir
de l'Inde Shantarakshita, puis le maître indien Padmasambhava. Il
rassemble des érudits et traducteurs, et fait traduire les textes
traditionnels. Il institue une lignée d'enseignement et cache des
« trésors spirituels » dans des endroits secrets pour
l'avenir. Des monastères sont créés. Mais à partir de 838, le roi
Langdarma persécute le bouddhisme. Quelques rares familles
perpétuent ce bouddhisme ancien, qui donnera l'école Nyingmapa.
La
deuxième vague commence en 1040 avec la venue du moine indien Atisha
(983-1054). Son disciple Dromtönpa fonde l'école Kadampa. Le
Tibétain Marpa le Traducteur (1012-1097) se rend en Inde et, de
retour, transmet sa lignée à Milarépa, d'où provient l'école
Kagyüpa. Drokmi Shakya Yéshé reçoit les enseignements
tantriques de Virupa et les transmets à Khön Köntchok Gyalpo
(1034-1102), qui fonde l'école Sakyapa.
Chacune
de ces grandes écoles se subdivisera ensuite en plusieurs branches,
qui diffèrent par leurs textes de références et leurs pratiques
principales. Les frontières entre les écoles n'ont jamais été
étanches. Cependant, l'institution monastique prend au moyen-âge
une importance considérable. Les monastères deviennent des
puissances politiques qui se disputent le pouvoir, nouant des
alliances avec des puissances étrangères (dynasties mongoles,
empereurs de Chine), et les rivalités politiques entre monastères
finissent par durcir les oppositions religieuses entre les écoles
dont ils dépendent.
Au
XIX° siècle, le maître kagyüpa Jamgön Kongtrul Lodrö Thayé
(1811-1899), rejoint par le maître sakyapa Jamyang Khyentsé Wangpo
(1820-1892) et le maître nyingmapa Tchögyour Détchen Lingpa
(1829-1870) fondent le mouvement non-sectaire (Rimé), dans le but de
produire un renouveau spirituel, et de préserver l'existence des
lignées spirituelles menacées de disparition, en recueillant leurs
transmissions et leurs textes. Ils sont également rejoints par le
maître bönpo1
Shardza Tashi Gyaltsen (1859-1934).
Reconnaissant
dans toutes les écoles l'activité de l'esprit d'éveil
(bodhicitta), ils prônent une attitude qui va au-delà de la simple
tolérance œcuménique. Il s'agit d'une part de comprendre le sens
profond des écrits et des pratiques des autres écoles, et d'autre
part de préserver la diversité des voies et des écoles, en
recensant et rassemblant tous les textes de toutes les écoles.
Le
mouvement Rimé est à l'origine d'un extraordinaire renouveau de la
spiritualité bouddhique au Tibet, moins d'un siècle avant
l'invasion chinoise, dramatique et providentielle à la fois.
Jamgön Kongtrul Lodrö Thayé |
Nous,
juifs, chrétiens, musulmans, hindouistes, taoïstes, bouddhistes, et
adeptes d'autres religions authentiquement issues de l'Esprit saint
(nous pensons par exemple aux Jaïns et aux Sikhs de l'Inde ou aux
Baha'i et aux Parsis de l'Iran), reconnaissons pleinement la validité
de toutes ces voies qui conduisent les hommes vers la Vie, l’Éveil
et le vrai Bonheur, dans cette vie et au-delà.
Nous
savons que, dans chaque tradition de l'humanité, plusieurs
mentalités coexistent. Certains considèrent que leur propre
religion est la seule valable, qu'elle est la parole unique de Dieu
ou l'expression finie de l'Absolu, et que tous les hommes sont
appelés à les rejoindre, parfois de gré ou de force. Certains
autres, plus ouverts, tiennent leur propre tradition pour la
meilleure qui soit, mais tolèrent l'existence d'autres voies, dans
l'espoir de voir ces « infidèles » se convertir. A
l'inverse, d'autres relativisent leur foi à un point tel qu'ils
pensent pouvoir prendre ici ou là ce qui les intéresse, dans un
syncrétisme de bric et de broc sans cohérence.
Refusant
les deux extrêmes de l'exclusivisme et du syncrétisme, considérons
que l'Esprit s'adresse providentiellement à tous les hommes, depuis
toujours, dans la langue qu'ils parlent, et selon le contexte
historique, géographique et culturel du moment. Des hommes de valeur
entendent cette voix, et tentent d'en transmettre le message et les
enseignements dans le cadre de traditions diverses et adaptées aux
besoins des hommes. Cette diversité est un bienfait pour l'humanité,
elle doit être préservée, transmise et enrichie par les
pratiquants spirituels de tous les peuples.
Cette
multiplicité des traditions cache et révèle à la fois l'unicité
de la Vérité Ultime. Comme le moyeu immobile d'une roue, la Vérité
est commune à tous et ne se révèle qu'au terme d'un cheminement
qui, finalement, est propre à chaque homme.
Appelons,
non seulement à la reconnaissance, mais aussi à la connaissance et
à la compréhension profonde de toutes les voies spirituelles de
l'humanité.
C'est
cette Vérité Une aux multiples visages qui permet à chacun, selon
son niveau de spiritualité, de trouver dans les textes des autres
traditions ce qui renforce sa compréhension de sa propre voie. Il
est licite à un Juif de lire les Upanishad, à un Bouddhiste de
méditer l'Evangile, à un Musulman de reconnaître Dieu dans
l'Unicité du Tao, à un Chrétien de contempler le Jésus du Coran,
et à un Hindouiste de voir en Lui l'avâtara de Vishnu.
A
notre époque où la globalisation permet un accès facile aux textes
et la rencontre des fidèles de toutes les religions, encourageons
chacun à approfondir sa propre voie, soutenons l'échange et le
dialogue entre les traditions, et supportons pour tous les vrais
cherchants le droit de chercher parmi les textes sacrés et les
pratiques de toutes les traditions, la confirmation et le
renforcement de leur propre chemin. Enfin, reconnaissons en tout
cherchant sincère, un frère ou une sœur sur le chemin de la
Réalité Suprême.
(1) Le
bön est la religion de type chamanique qui existait au Tibet avant
la première diffusion. Elle existe encore de nos jours, sous
diverses formes parfois très proches du bouddhisme.
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